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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 10 August 2006

Jazz

August 7, 2006


Une riche histoire

S’il y a une musique qui résiste à toute définition, c’est bien le jazz. Mais en dépit des innombrables conjectures à son sujet, nul ne saurait nier que l’improvisation en est l’élément constitutif essentiel. Plus que tout autre genre musical en Occident, cet art de souche afro-américaine a redonné à l’exécutant la capacité de créer son propre discours dans l’instant plutôt que de reproduire celui d’un autre. Qu’on pense aux héros du jazz (Armstrong, Hawkins, Parker et Coltrane, pour ne nommer que les plus grands), et leur réputation est redevable à leurs exploits de soliste. Mais à l’envers de cette médaille, il existe une face qui n’est pas dénuée d’éclat : celle de la composition.

Dès ses premiers balbutiements, le jazz puisait dans un répertoire de chansons populaires, qui servaient de tremplin à l’improvisation. En fait, la plupart des musiciens de jazz dit « classique » préféraient broder des variations sur le vif sur des mélodies bien connues plutôt que de composer leurs propres morceaux. Cela n’en a pas empêché quelques-uns d’entretenir des ambitions de compositeur. Pionnier à ce titre, Jelly Roll Morton s’est servi d’éléments du ragtime, des musiques classiques légères, du blues, même de la musique latine, pour concevoir des pièces très formelles, quoique assez rudimentaires d’un point de vue harmonique. L’improvisation, en revanche, occupait un rôle secondaire, reléguée le plus souvent dans des petits interludes de transition entre les différentes sections (ou break, pour employer le terme consacré).

Avec l’arrivée sur scène des premiers solistes dans les années 20, l’approche plus formelle de Morton a passé de mode, mais l’écriture a continué d’évoluer, marquée de façon déterminante par l’arrivée de Duke Ellington. Reconnu à juste titre comme le premier grand compositeur du jazz, il disposait d’un orchestre d’une quinzaine de musiciens, ce qui lui permettait d’expérimenter, tant sur le plan harmonique qu’orchestral. Mais à la différence de Morton, Duke a respecté les formes plus communes de 12 mesures dans le blues ou de 32 dans les pièces populaires. Et même lorsqu’il se lançait dans des projets plus ambitieux (la suite Black, Brown and Beige, par exemple), le produit final était le résultat d’un rapiéçage de morceaux individuels et non la conception d’une plus large forme à la manière des symphonies ou des concertos classiques. L’histoire ellingtonienne a toutefois été marquée par l’arrivée, en 1939, d’un autre pianiste, de surcroît compositeur-arrangeur doué, Billy Strayhorn, dont l’influence n’a pas été sans affecter le travail de son illustre employeur. (Voir article à la page suivante.)

À la même époque, le phénomène des big bands battait son plein. Si les grandes formations sont un terrain tout désigné pour la composition, ce ne sont pas tant les compositeurs que les arrangeurs qui ont été valorisés à cette époque. Engagés par des chefs d’orchestre désireux de se donner une signature musicale propre, ces scribes (souvent mal connus du public) étaient plus souvent appelés à adapter des succès de l’heure qu’à créer des œuvres originales. Tout compte fait, le jazz a eu comme effet de scinder les fonctions de compositeur et d’arrangeur en deux facettes distinctes. De Don Redman à Vince Mendoza en passant par Gil Evans, il ne manque pas de ces artisans qui ont su poser leur griffe sur les matériaux musicaux les plus divers.

La composition jazzistique, pour sa part, a commencé à vraiment prendre son essor avec la venue du bop. L’arrivée de Charlie Parker a été déterminante, mais avec Dizzy Gillespie et Bud Powell le corpus musical s’est étiolé et l’écriture a été réduite le plus souvent à la seule ligne mélodique avec un chiffrage d’accords donnés pour l’accompagnement. Cette approche plus sommaire donne alors l’occasion à tous les musiciens de passer pour « compositeur », même si la plupart d’entre eux ne sont que des bricoleurs de thèmes. Mais comme le bop était une musique d’improvisation de haute voltige livrée surtout en petites formations, l’écriture n’était qu’un tremplin à l’exécution. Néanmoins, deux compositeurs singuliers se manifestent dans la période de l’après-guerre : Bob Graettinger et George Russell. Arrangeur à l’emploi du big band de Stan Kenton, le premier a composé, en 1947, l’étonnante pièce City of Glass, oeuvre sans improvisation et d’une facture inouïe pour le jazz. Quant au second, on le considère comme le seul jazzman ayant formulé un concept théorique musicologique original, soit sa théorie d’organisation tonale lydienne, une dissertation doctorale maintes fois rééditée et qu’il a enseignée au New England Conservatory pendant de longues années.

Depuis, d’autres compositeurs de jazz doués de visions originales se sont détachés du lot, Thelonious Monk et Charles Mingus en tête de liste, mais aussi Sun Ra, Steve Lacy, Andrew Hill (voir article à la page suivante) Carla Bley, Anthony Braxton. Outre-Atlantique, de fortes pointures ont aussi émergé, parmi lesquelles Alexander von Schlippenbach, Barry Guy, Kenny Wheeler (Canadien de naissance) et Franz Koglmann.

Billy Strayhorn seul ou avec Duke?

Félix-Antoine Hamel

Dans son essai Les mondes du jazz, André Hodeir, pionnier de la critique analytique en jazz, consacre une section à « celui qui écrit le jazz ». Il insiste sur l’importance de distinguer, lorsque l’on parle de cette musique, l’auteur de thème (qui fournit une mélodie à un cadre bien défini), l’arrangeur (qui organise un matériau musical préexistant) et le compositeur (qui crée une œuvre originale, dont il est l’auteur complet). Cependant, certains musiciens peuvent cumuler ces fonctions, et Billy Strayhorn est peut-être l’exemple modèle de « celui qui écri(vai)t le jazz ».

Engagé à vingt-trois ans comme arrangeur par Duke Ellington, Strayhorn a passé près de 30 ans dans l’orbite du maestro, ce qui lui fournissait un laboratoire permanent de création, mais ne lui donnait pas souvent l’occasion d’occuper l’avant-scène. Il en a résulté que son œuvre et celle d’Ellington sont, encore aujourd’hui, étroitement associées, et que le mythe de symbiose entre les deux compositeurs se perpétue.

En lisant l’ouvrage (non traduit en français) du musicologue néerlandais Walter van de Leur, Something to Live For : The Music of Billy Strayhorn, on découvre toutefois une vision différente dans l’œuvre de Strayhorn. Très bien documenté et travaillant à partir de manuscrits des collections Strayhorn et Ellington, l’auteur analyse dans le détail certaines partitions marquantes, tentant de mettre le doigt sur les différences entre les deux compositeurs et de démystifier leur relation musicale. Avec ce but déclaré, on aurait souhaité voir quelques analyses comparatives entre des œuvres contemporaines ou semblables des deux compositeurs, mais le travail du Duke n’est qu’effleuré. Malgré tout, le livre jette une lumière nouvelle sur leurs techniques de composition, notamment en ce qui a trait à leurs œuvres communes. L’auteur consacre également d’importantes sections de son ouvrage à la période de jeunesse de Strayhorn (lorsqu’il était étudiant à Pittsburgh), à ses activités en-dehors de l’organisation ellingtonienne et à certaines œuvres inédites, qui ne furent découvertes et enregistrées que récemment.

Côté discographique, et par-delà le grand nombre d’enregistrements gravés par Ellington entre 1939 et 1967, on peut rechercher deux collections d’inédits parues sous le nom de Strayhorn, l’une chez Red Baron (« Lush Life »), l’autre chez Storyville (« Piano Passion »). Sous le nom de Strayhorn et de Johnny Hodges, chez Lone Hill, « The Stanley Dance Sessions » réédite deux albums de 1959-61. Parmi les hommages, en plus de l’incontournable « And His Mother Called Him Bill » d’Ellington (RCA, 1967), mentionnons ceux d’Art Farmer (« Something to Live For » chez Contemporary, 1987) et de Joe Henderson (« Lush Life : the Music of Billy Strayhorn », chez Verve, 1991). Pour arrondir le tout, trois disques du Dutch Jazz Orchestra, sur étiquette Challenge, permettent de découvrir des œuvres inédites de Strayhorn : « Portrait of a Silk Thread, « So This is Love» et « Something to Live For. »

Andrew Hill Explaining the Past and Suggesting the Future

Paul Serralheiro

Andrew Hill is a pianist/composer whose distinct work is not widely known but well worth discovering. His excellent recent Blue Note release, “Time Lines,“ is a good place to start. It contains all the trademarks of the Hill style: odd time signatures, quirky horn voicings, long, multi-segmented melodic lines and a harmonic language that, although by no means “out,” stretches the boundaries of familiar tonal structures.

Born in Chicago in 1937, Hill played with the likes of Charlie Parker, Miles Davis and Johnny Griffin while still a teenager. He was a sideman on a number of other people’s recordings, including Roland Kirk and Sam Rivers, exhibiting a remarkable eclecticism. His first date as a leader came in 1955 in a trio with bassist Malachi Favors and James Slaughter on drums. His Blue Note debut, a label he has recorded for at three different periods in his life, came in 1963 on Joe Henderson’s “Our Thing.“ The early 60s recordings, of which there were several, featured Hill alongside some of the best and most adventurous improvisers, people like Eric Dolphy, John Gilmore, Joe Henderson and Tony Williams. The most remarkable of the early music was captured on “Point of Departure,“ which contains the necessary ingredients for a great session: strong vehicles and inspired, skilled players, with Dolphy and Henderson both in top form.

In the notes to the 1963 “Black Fire,“ Hill’s first Blue Note disc as a leader of the talented Henderson, Richard Davis (bassist) and Roy Haynes (drummer), the distinguished writer A.B. Spellman wrote of the group that “they explain the past and suggest the future.” Hill was characterized by many as a second wave avant-gardist, an assessment challenged however by Leonard Feather who saw him as planted in the tradition. A meticulous explorer of compositional techniques, Hill is just as likely to throw all premeditation to the winds and improvise a whole solo performance. Daring and craft are twin qualities that entwine throughout his oeuvre, contrasting features that are captured notably on the Palmetto release “Dusk“ (2000), clearly one of Hill’s best discs.

Earning a Doctorate in Music in the early 1970s, this one time student of Hindemith moved to the West Coast and taught music in prisons and public schools, keeping a low profile well into the 80s, while recording for independent labels such as Soul Note and Steeplechase. But his status as an important composer was not diminished and a number of musicians have paid tribute to Hill, either in word or deed (e.g. Anthony Braxton’s millennium year release “Nine Compositions“).

Since his return to Blue Note last year, we can hear the distillation of a lifetime of unique music-making. “Time Lines,“ which also features Greg Tardy on reeds, trumpeter Charles Tolliver, bassist John Hebert and drummer Eric McPherson, exhibits all the Hillian traits mentioned above, with an added mellowness. Although one might surmise that this is the result of the pianist’s advancing age, mellowness has been there all along, even in his earlier and more heated work.

John Lewis du baroque au troisième courant

Né il y a un demi-siècle, le mouvement Third Stream a donné de beaux espoirs à ceux qui souhaitaient marier l’improvisation jazz à la composition classique. Alors que le compositeur et musicologue américain Gunther Schuller en était le principal porte-parole, le pianiste John Lewis était son plus distingué représentant. Fondateur dans les années 50 du célèbre Modern Jazz Quartet (MJQ), ce dernier chercha à réconcilier ces genres en se servant de toute la palette des instruments de la tradition européenne. En 1956, les disques Columbia ont publié un album intitulé « Music For Brass », qui contient les premiers travaux significatifs du mouvement, suivi, un an plus tard, par « Modern Jazz Concert » (ce dernier titre réédité en bonne partie dans la compilation numérisée de 1996 « The Birth of the Third Stream »).

Réunir des œuvres de compositeurs aux tempéraments très différents relevait d’une gageure artistique et commerciale, mais cette tentative a suscité bien des remous dans le monde du jazz, qui valorisait l’exécutant avant l’œuvre. Et pourtant... Charlie Parker avait exprimé le vœu d’étudier avec Edgar Varèse. Dans les années 20, Paul Whiteman a proposé son « jazz symphonique », alors que Stan Kenton s’est lancé dans l’aventure désastreuse du Neophonic Orchestra en 1949-1950; d’autres, comme Shorty Rogers et Jimmy Giuffre, ont à leur tour tenté d’inventer quelque chose ressemblant à ce troisième courant sur la côte Ouest américaine des années 50. En dépit de ces essais, les principaux représentants du « troisième courant » ont été conspués pour un « esthétisme », contraire à l’idée même du jazz. Seuls des brouillons d’œuvres (souvent inabouties) restent de cette époque. En revanche, Three Little feelings de John Lewis atteint un plein équilibre. « Jazz Abstractions », produit par Lewis et arrangé par Schuller, avec Ornette Coleman et Eric Dolphy en solistes, laissait deviner certains développements à venir.

Lewis est resté un rêveur acharné, habité autant par le contrepoint de Bach que par la tradition baroque. Neuf ans avant sa mort, en 1992, le quarantième anniversaire du MJQ avait été célébré un peu partout dans le monde. Un film de concert, réalisé à Stuttgart avec cette formation et un orchestre de chambre, illustre parfaitement cette esthétique, version originale. Mais ce pianiste ne se limitait pas à cette seule démarche : il s’adonnait aussi à la jouissance de la note bleue, un exemple à ce titre étant le disque « Grand Encounter », reprise de deux disques des années 50. La première séance, enregistrée sur la Côte Ouest en 1956, offre les plus beaux moments, Lewis étant accompagné de Jim Hall, Percy Heath, Chico Hamilton et Bill Perkins. La seconde moitié, datant de 1957, est un bop plus routinier interprété par Dizzy Gillespie, Sonny Stitt, Charli Persip, Percy Heath ou Skeeter Best (selon les plages).

Pistes d’écoute

The Birth of The Third Stream

Columbia Legacy CK 64929

John Lewis Presents Jazz Abstractions

Atlantic 1365 CD

John Lewis West Coast – East Coast Encounter

Gambit Records 69209

The Modern Jazz Quartet: 40th Anniversary Tour

TDK DVWW-JMJ 40 (DVD)

Au rayon du disque / Off the Record

> British Corner

Généralement méconnu chez nous, le jazz britannique a pourtant une longue histoire, remontant aux passage des premiers pionniers américains (Original Dixieland Jazz Band, Sidney Béchet…). Bien qu’à la remorque de styles plus traditionnels pendant de nombreuses décennies, une musique plus libertaire se manifeste dans ce pays depuis près de 40 ans déjà. Dans les lignes qui suivent, il sera surtout question de documents inédits des années 70, publiés pour la plupart par le label américain Cuneiform. Mais commençons d’abord par une actualité. MC

Mujician : There’s No Going Back Now

Cuneiform Records Rune 232

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Après quelque 20 ans d’activités, le quartette Mujician se retrouve ici au sommet de son art dans cette nouveauté. Album constitué d’une seule pièce de 45 minutes, cet enregistrement fait résonner l’art du Free Jazz aux couleurs britanniques, art à la fois incisif et lumineux. Au-delà de la maturité, c’est la cohérence d’un univers musical qui s’affirme avec un souci de lisibilité propre à séduire bien des publics. Parfois explosive, mais surtout jubilatoire, cette musique n’est ni sévère, ni austère, mais construite avec brio. Le pianiste Keith Tippett est passé par la pop britannique d’avant-garde (King Crimson et Robert Fripp) avant se tourner vers le jazz actuel. Son piano préparé crée des climats de fluidité étonnante rappelant les audaces de Cage. Saluons aussi le saxophoniste (ténor et soprano) Paul Dunmall, qui se montre de bout en bout fulgurant, le bassiste Paul Rogers et le batteur Tony Levin. Tout le monde comprendra que l’on tient là un CD de Free Jazz des plus séduisants. CC

John Surman: Way Back When

Cuneiform Records Rune 200

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This previously unissued quartet/quintet date is a nice blast from the past. Baritone saxophonist John Surman, all of 25 at the time (1969), convened some of his friends for a session just before moving from Britain to the continent. Heard here are pianist John Taylor, playing electric keyboard, bassist Brian Odgers, John Marshall and, on two tracks, the sadly vanished altoist Mike Osborne. For years, only a few test pressings were available as the master tape went missing till recently. While the music is dated, the leader’s spirited solos make up for wrinkles. On soprano sax, he careens on the first four tracks, creating a kind of suite that gives its title to this record. On the two longer tracks (with Osborne), Surman shows his extraordinary command of the bigger horn, clearly reaffirming his position as a master of that axe. For that reason alone, this disc merits four stars, but because three of the suite’s parts are really alternate takes of the same tune, I give it three and a half. MC

Soft Machine:Grides

Cuneiform Record Rune 230/231

HHHHII

Formed in the mid-1960s in Canterbury, Soft Machine became an innovator in the emerging English underground, hitting its stride as a jazz-rock fusion outfit in 1969 when it morphed into the quartet of saxophonist Elton Dean (who died in February of this year), keyboardist Mike Ratledge, electric bassist Hugh Hopper and drummer Robert Wyatt. The quartet lasted only a couple of years but honed itself on stage into a tight telepathic unit. Proof of this are two hitherto unissued live performances, the first in Amsterdam in October of 1970 and a BBC broadcast of a German concert a year later (available here on CD and DVD respectively). These sets were made at the height of a period when classical, jazz, and R’n’B were all churned together with a good dose of improvisation. Dionysian rhythmic abandon is clearly the driving force, but we also get intricately composed, multi-textured thematic modules in tunes like “Facelift,” “Neo-Caliban Grides” and “Teeth.” The unique sound of the group (with processed sax, electric keyboards, fuzz bass and very creative drumming) includes melismatic meanderings reminiscent of Indian Ragas and Coltrane’s work. This newly available material rewards re-listening, for it is a document of ecstatic and thrilling playing. PS

Harry Miller’s Isipingo : Which Way Now

Cuneiform Rune 233

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Parmi les récents inédits du jazz britannique, cette généreuse surface de 75 minutes capte un groupe plutôt éphémère des années 70. Dirigé par le regretté bassiste sud-africain Harry Miller, le sextette Isipingo (dont le nom provient d’un lieu situé dans ce lointain pays) regroupe plusieurs des fortes pointures de la scène d’un jazz situé à la charnière du hard bop et du free. En quatre plages seulement (une captation moins qu’idéale de la radio d’État à Brème en Allemagne), cet ensemble joue un répertoire du bassiste (qui, ironiquement, est le plus mal servi par la prise sonore). Ses compagnons de route comptent parmi les meilleurs, soit Mike Osborne (oscillant entre Parker et Ornette), Nick Evans au trombone, Mongezi Feza à la trompette (mort six semaines après cette séance du 20 novembre 1975), Louis Moholo à la batterie et Keith Tippett (rappelant parfois McCoy Tyner, parfois Cecil Taylor). Musicalement, cela est inscrit dans la formule traditionnelle, thème-solos-thème, mais tous les musiciens sont en grande forme et se donnent pleinement avec des solos généreux. Pour un jazz vigoureux, quoiqu’un peu daté, cette surface tient quand même bien la route après plus de 30 ans. MC

Louis Moholo-Moholo : Bra Louis – Bra Tebs/Spirits Rejoice!

Ogun OGCD 017/018

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Dernier survivant de la légendaire formation les Blue Notes, quintette sud-africain mixte qui émigra à Londres au milieu des années 60, Louis Moholo – ou Moholo-Moholo, comme il se fait maintenant appeler – demeure l’un des batteurs essentiels de la musique improvisée; preuve à l’appui, cette parution assez récente nous permet d’apprécier son travail. Cette double offrande regroupe deux séances, la première (« Spirits Rejoice! ») parue sous son nom en 1978. Il s’est retrouvé pour l’occasion avec sept autres confrères, dont Evan Parker (saxo ténor), Kenny Wheeler (trompette), Keith Tippett (piano), deux trombonistes (Nick Evans et Radu Malfatti) et deux contrebassistes (Harry Miller et Johnny Dyani, compatriotes du batteur). Album classique dans le genre, il conjugue avec bonheur les thèmes sud-africains accrocheurs et l’improvisation la plus percutante. Près de 17 ans plus tard, le batteur dirige, dans le second disque, un septuor nommé Viva la Black. Bien que n’ayant pas l’urgence de « Spirits Rejoice! », « Bra Louis – Bra Tebs » bénéficie tout de même de la présence du saxophoniste hollandais Toby Delius, du trompettiste Claude Deppa et d’une chanteuse originale, la martiniquaise Francine Luce. FAH


(c) La Scena Musicale