Critiques/Reviews
August 7, 2006
Politique de critique : Nous présentons
ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons
pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique
ne présume en rien de la qualité de celles-ci. Vous trouverez des
critiques additionnelles dans notre site Web www.scena.org.
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version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many
more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.
HHHHHH indispensable / a must!
HHHHHI excellent / excellent
HHHHII très bon / very good
HHHIII bon / good
HHIIII passable / so-so
HIIIII mauvais / mediocre
$ <
10 $
$$ 10–15
$
$$$ 15–20
$
$$$$ >
20 $
Critiques / Reviewers
FC Frédéric
Cardin
GB Guy
Bernard
IP Isabelle
Picard
PG Philippe
Gervais
PL Pascal
Lysaught
PMB Pierre
Marc Bellemare
RB Réjean
Beaucage
Disque du mois
Verdi
Don Carlos
BBC Singers, BBC Concert Orchestra /
John Matheson, Joseph Rouleau, André Turp, Robert Savoie, Edith Tremblay,
Michelle Vilma
Opera Rara ORCV305 (4 CD – 231 min
16 s)
HHHHHH
$$$$
Cet enregistrement de 1972 occupe une
place d’honneur dans la discographie de l’œuvre : c’est à la
fois la version la plus complète et la plus proche de l’œuvre originale,
en cinq actes et en français, que Verdi composa pour Paris en 1867.
En fait, la partition utilisée est même plus authentique que celle
entendue lors de la première, car elle comporte une quantité impressionnante
de musique supprimée en cours de répétition. Supprimée, mais pas
détruite... de sorte que le musicologue Andrew Porter a pu avoir l’immense
plaisir d’exhumer ces pages inédites, à la bibliothèque de l’Opéra,
un siècle plus tard. Mais son unicité ne tient pas qu’à des considérations
d’ordre historique ou documentaire. Il faut également souligner le
fait que, à une exception près, les chanteurs principaux sont tous
des francophones de naissance (Québécois d’origine) rompus aux techniques
et aux subtilités d’une tradition d’art lyrique français qui,
à l’époque, ne s’était pas encore perdue. Cette qualité confère
à leur interprétation une authenticité aujourd’hui rarissime, voire
même introuvable. À cet égard, il importe peu que l’orchestre,
dans la première heure, soit un peu léthargique et que certains membres
de la distribution, par moments, accusent des faiblesses. Quiconque
se donnera la peine de comparer le tout à la concurrence (Abbado, 1984
; Pappano, 1996) ne pourra que conclure à la supériorité évidente
de l’équipe québécoise. Turp et Tremblay étaient particulièrement
en forme ce jour-là.
Remercions Opera Rara d’avoir
accordé le traitement de luxe qu’il méritait (avec livret complet)
à cet enregistrement. Pierre Marc Bellemare
Musique orchestrale / Orchestral
Music
Balakauskas
Symphonies nos
4 et 5
Romualdas Staskus, hautbois ; Igor Kramarev,
trompette ; Lithuanian National Symphony Orchestra / Juozas Domarkas
Naxos 8.557605 (63 min 14 s)
HHHHHI
$
Les œuvres d’Osvaldas Balakauskas,
le père de l’école moderne lithuanienne (né en 1937), sont généralement
de larges fresques lumineuses, voire incandescentes. Il est facile de
comprendre le respect qu’il impose dans son pays : sa prose musicale
est unique et originale. Balakauskas a beaucoup insisté sur l’utilisation
de gammes bien précises (et élaborées par lui) comme fondements harmoniques
et thématiques. Ces gammes de huit, dix ou onze tons, combinées aux
multiples sources d’inspiration du compositeur (notamment le jazz
et le blues) et à sa grande maîtrise de la palette orchestrale, aboutissent
à des créations tout à fait stimulantes. Explosions massives de type
big band, soudaines retenues aux textures extraordinairement fragiles,
rythmes vigoureux, confrontations de couleurs et de timbres dans un
tourbillonnant ballet d’énergie, la musique de Balakauskas est un
immense tableau peint en traits puissants, laissant parfois leur marque
en pâte épaisse, parfois en traces tout juste évoquées sur le canevas.
À découvrir. Frédéric Cardin
Chopin
Piano Concerto no
1
Olga Kern, piano ; Orchestre philharmonique
de Varsovie / Antoni Wit
Harmonia Mundi HMU 807402 (73 min 59
s)
HHHHHI
$$$$
Olga Kern fut la médaille d’or de
la onzième édition du concours Van Cliburn. Depuis, sa carrière musicale,
et son activité discographique, sont florissantes. On peut le comprendre
: elle est une interprète lumineuse, sensible et intelligente. Son
touché a quelque chose de Clara Haskill, bien que la puissance de ses
attaques (que ne renierait pas une Martha Argerich) la voue certainement
(mais pas exclusivement) au répertoire romantique. C’est d’ailleurs
dans Rachmaninov et Tchaïkovski qu’elle a fait ses premières armes
chez Harmonia Mundi. Cette fois, elle visite Chopin. Remarquable cohésion
du jeu et du discours La structure macroscopique est magnifiée et solidement
maintenue, alors que les détails sont finement ciselées pour nous
révéler une construction foisonnante de stimuli musicaux. Dans le
concerto, Antoni Wit est un excellent architecte orchestral, et les
Polonais sont triplement inspirés par leur chef, la pianiste, et, bien
sûr, Chopin ! FC
Handel
Concerti grossi Op.3 et Op.6
Handel and Haydn Society / Christopher
Hogwood
Avie AV2065 (3 CD – 218 min)
HHHHHI
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Parus en 1989 (Op. 3) et 1993 (Op. 6)
chez l’Oiseau-Lyre, ces disques nous offrent l’intégrale des concerti
grossi de Handel. Cette forme musicale créée par Corelli a joui d’une
grande popularité dans l’Angleterre du xviiie siècle.
Hogwood partage une grande affinité avec ces œuvres et il nous en
offre des versions d’une grande élégance sur instruments d’époque.
Vivacité des tempi, acidité fruitée des cordes, présence du pupitre
des basses mettent en valeur les rythmes de danse des mouvements rapides
et le lyrisme des lents. L’interprétation rend bien le côté agréable
de cette musique d’une écoute facile en gardant un ton juste qui
fait parfois défaut à d’autres versions plus emportées. Acceptez
l’invitation de Handel et délectez-vous de ce concert avec la
gentry dans les jardins de Vauxhall. Pascal Lysaught
Perkinson
A Celebration
New Black Music Repertory Quartet ; Chicago
Sinfonietta / Paul Freeman
Çedille CDR 90000 087 (79 min)
HHHHII
$$$$
Coleridge-Taylor Perkinson (1932-2000)
était afro-américain, utilisait parfois des harmonies de jazz, et
de plus, il restait attaché à la tonalité ! Inutile de préciser
qu’il dut se développer une carapace psychologique importante pour
continuer à créer. Disons d’emblée que sa musique ne réinvente
pas la roue, cependant son style est suffisamment personnel pour justifier
cette redécouverte. Le second mouvement de sa Sinfonietta no. 1
fait penser au fameux Adagio de Samuel Barber alors que Grass
: Poem for Piano, Strings and Percussion, expose clairement toute
l’anxiété de la guerre de Corée. Blue/s Forms et Louisiana
Blues Strut pour violon seul, ou Lamentations pour violoncelle
sont de beaux exemples d’une intégration réussie entre le bagage
musical populaire de Perkinson et ses connaissances musicales savantes.
Rythmes soutenus, lan-gage harmonique relativement conservateur, malgré
un recours cohérent aux dissonances, et utilisation de l’appareil
orchestral comme d’une force généralement percussive, voilà quelques
aspects d’une musique qui semble parfois avoir mal vieilli, mais qui
demeure franchement intéressante. FC
Among Friends
New Edmonton Wind Sinfonia / Raymond
Baril
Œuvres de Bernstein, Chance, Ellerby,
Gilliland, Grainger, Kabalevsky, Persichetti, Piston, Williams.
Arktos ARKTOS 200587 (51 min 41 s)
HHHHHI
$$$$
Ce disque nous offre des musiques des
plus rafraîchissantes, idéales pour les temps de canicule. Il s’agit
de pièces courtes et très accessibles du xxe siècle. Certains
compositeurs sont bien connus, mais d’autres beaucoup moins, et au
moins un (Alan Gilliland) est personnellement associé à ce jeune ensemble,
qui célèbre son septième anniversaire cette année. Bien que le ton
varie énormément d’une pièce à l’autre (du sublime au bouffon),
le programme demeure très homogène et cohérent. Il ne comporte que
de la musique sérieuse ou classique, mais plusieurs œuvres
témoignent de fortes influences d’idiomes populaires, dont
le jazz (Bernstein), les rythmes latins (Williams), le folklore britannique
(Grainger), etc., tandis que d’autres ont une facture plus académique.
Une curiosité: Père-Lachaise, mouvement tiré de la suite
Paris Sketch, de Martin Ellerby – exemple probablement unique
d’une œuvre musicale inspirée par... un cimetière ! L’enregistrement
a été réalisé en public et l’on entend des applaudissements enthousiastes
à la fin de quelques pièces. PMB
Musique vocale /
Vocal
di Lasso
Lamentationes Jeremiae Prophetae,
Requiem
Collegium Regale / Stephen Cleobury
Signum Classics SIGCD076 (70 min 06 s)
HHHHHI
$$$$
Enregistrées par une quinzaine de voix
d’hommes a capella, les Lamentationes Jeremiae Prophetae
pourraient facilement être austères. D'autres enregistrements de cette
œuvre nous le prouvent amplement.
Pourtant, de cette version se dégage
autant de générosité que de précision. L'intonation, la prononciation
et le style sont à peu près irréprochables, créant justesse et clarté
du contrepoint autant que de l'harmonie. La prise de son préserve chaleur
et son d'ensemble tout en évitant soigneusement de masquer le timbre
individuel de chaque choriste. Pour preuve, on perçoit la proximité
du grain de la voix des basses sans perdre la magnifique acoustique
de l'église.
Orlando di Lasso (Roland de Lassus)
fut un grand voyageur, joué autant à Anvers qu'à Venise, il fut pendant
plus de 30 ans maître de chapelle à la cour de Munich. À un certain
point de sa vie et de son œuvre, il était le compositeur le plus en
vue de toute l’Europe. Cet enregistrement nous fait comprendre pourquoi. Guy
Bernard
Schoenberg
Six A Cappella Mixed Choruses
Jennifer Welsh-Babidge, soprano ; Simon
Joly Singers ; Fred Sherry String Quartet ; Twentieth Century Classics
Ensemble / Robert Craft
Naxos 8.557521 (78 min 18 s)
HHHHII
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Il sera difficile pour l’auditeur moyen
de reconnaître la patte schoenbergienne en écoutant les Six chœurs
mixtes a cappella. Résultats de l’intérêt que porta Schoenberg
toute sa vie à la musique ancienne, ce sont des arrangements savants
d’œuvres du folklore allemand du xvie siècle. Jamais
le compositeur ne s’éloigne d’une structure tonale bien équilibrée,
malgré la sophistication de l’écriture. Tout le monde reconnaîtra
le Quatuor à cordes no 2, op. 10. Ce
chef-d’œuvre est ici présenté dans sa version originale. La fabuleuse
combinaison voix / cordes, les tensions subtiles, à la fois intenses
et fragiles, sont fort bien rendues. La Suite en sol pour cordes
est la première composition réalisée par Schoenberg en sol américain
; elle est aussi influencée par la musique ancienne. On peut penser
à un exemple schoenbergien des Airs et danses anciens de Respighi,
ou à Pulcinella de Stravinski. Dédiée à un ensemble étudiant,
ses difficultés techniques insoupçonnées l’ont condamnée à l’obscurité. FC
Vivaldi
Motets et concertos sacrés
Sandrine Piau, soprano ; Accademia Bizantina,
Ottavio Dantone
Naïve OP 30416 (62 min 54 s)
HHHHHI
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Après avoir consacré un récital à
Mozart et un autre aux héroïnes d’opéra de Handel, Sandrine Piau
rêvait d’un disque Vivaldi. Elle confie avoir eu un « coup de cœur
» pour le motet Laudate pueri, qu’elle affectionne autant
pour son rayonnement jubilatoire que pour le défi technique qu’il
lui impose, l’œuvre exigeant une tessiture étendue de deux octaves,
jusqu’au contre-ré. Comme toujours, la chanteuse fait merveille,
sachant néanmoins ménager ses effets avec beaucoup de goût. Ses aigus,
qu’on a parfois pu trouver durs, sont ici légers et transparents.
Le disque propose également un autre motet ébouriffant (In furore
justissimae irae), de même que deux concertos sacrés. L’Accademia
Bizantina est aussi à la hauteur de sa réputation, enlevant avec prestesse
le ravissant concerto pour violon et orgue, mieux que ne l’avait fait
jadis l’Europa Galante, malgré l’évidente supériorité de l’archet
de Fabio Biondi. Philippe Gervais
Vivaldi
Sacred Music, Vol. 2
Tracy Smith Bessette, soprano ; Marion
Newman, contralto ; Aradia Ensemble / Kevin Mallon
Naxos 8.557852 (60 min 53 s)
HHHHII
$
Et dire qu’il y a 20 ans, c’est tout
juste si nous connaissions le Gloria
! Quel rattrapage ! Il ne se passe plus une semaine sans qu’un nouveau
disque soit publié avec au moins une œuvre sacrée du Vénitien. Cet
album est le deuxième volume d’une intégrale projetée. La référence,
en fait d’intégrale, demeure celle de Robert King sur Hyperion. Mais
malgré des solistes qui n’ont peut-être pas encore le renom de ceux
du King’s Consort, l’ensemble Aradia de Toronto est en bonne voie
de s’établir comme une alternative tout à fait viable aux dispendieux
Anglais. Le beau soprano de Mme Bessette n’est peut-être pas toujours
idéal dans sa définition des timbres, mais il demeure chaleureux et
assez gracile lorsque la musique le demande. Kevin Mallon ne favo-rise
pas le chi-chi expressif de certains baroqueux, ce qui l’avantage
car il y aura toujours de la place pour des interprétations sobres
et sans affects comme la sienne. Très agréable. FC
Beata Vergine
Motets à la Vierge entre Rome et
Venise
Philippe Jaroussky, Marie-Nicole Lemieux,
Ensemble Artaserse
Virgin Classics 00946 344711 2 1 (71
min 31 s)
HHHHHI
$$$
Tendresse (O quam suavis!), contemplation
(O coeli devota!), affliction (Stabat mater dolorosa),
allégresse (Regina coeli laetare), les motets à la Vierge laissent
place à des émotions vives et variées, qu’ont souvent fort bien
rendues les compositeurs du premier baroque italien. Aussi est-ce un
programme d’un grand intérêt qu’on nous propose ici, entremêlant
des œuvres rares et inédites, toutes véritablement inspirées. Fin
diseur autant que chanteur habité, Philippe Jaroussky se montre d’une
rare éloquence et retient l’attention comme peu savent le faire.
Le sommet du disque est sans doute le Stabat Mater de Giovanni
Felice Sances, d’abord récité avec une simplicité bouleversante,
pour ensuite croître en intensité sur le canto ostinato d’une
basse descendante. Jaroussky a invité Marie-Nicole Lemieux à se joindre
à lui pour deux duos, également très réussis, où se crée un amusant
effet d’ambiguïté, la voix de la chanteuse étant plus sombre et
plus virile que celle de son jeune complice ! PG
Musique de chambre
/ Chamber Music
Bach
Sonates pour violon et clavecin
James Ehnes, violon ; Luc Beauséjour,
clavecin
Analekta AN 2 9830 (69 min 39 s)
HHHHHI
$$$$
Ce deuxième (et dernier) volume de l’intégrale
Ehnes / Beauséjour des Sonates pour violon et clavecin de Bach
reprend là où l’autre avait laissé, c’est-à-dire dans un parcours
sensible et très éclairé de cette prose complexe où les contours
contrapuntiques s’imbriquent dans un discours tenant aussi du style
concertant. Ehnes est un interprète qui possède une technique irréprochable,
mais qui sait également laisser son cœur stimuler et enrichir une
intelligence vive et sophistiquée. Beauséjour, quant à lui, offre
à son collègue un remarquable écrin dans lequel il peut briller.
Il sait faire resplendir l’essentiel des lignes discursives, sans
fioritures expressives artificielles, redevables à certaines modes
plutôt qu’à une véritable vision informée de l’esthétique du
cantor de Leipzig. Ehnes et Beauséjour sont des orfèvres et leur Bach
est un diamant qui brille de mille feux. On ne regrettera qu’un léger
déséquilibre de la prise de son, le clavecin étant trop présent,
par rapport au violon, pour conserver le naturel d’une écoute optimale. FC
Biber
Mysteriensonaten
Rüdiger Lotter, violons baroques ; Olga
Watts, orgue et clavecin ; Axel Wolf, théorbe, luth, guitare baroque
Oehms Classics OC 514 (2 CD – 109 min
51 s)
HHHHHH
$$$$
Le Rosaire, comme on sait, est une dévotion
mariale qui consiste à réciter son chapelet tout en méditant sur
des mystères (événements lourds de signification spirituelle) de
la vie de Jésus et de sa mère, la Vierge Marie. Traditionnellement,
il comporte trois séries de cinq de ces mystères – les mystères
joyeux (Annonciation, etc.), les mystères douloureux (Agonie au Jardin
des oliviers, etc.) et les mystères glorieux (Résurrection, etc.).
L’ouvrage de Heinrich Ignaz Franz von Biber (1644-1704) est un cycle
d’une quinzaine de sonates pour violon et basse continue qui est structuré
autour de ces mystères et dont la facture musico-mathématique inusitée,
complexe et rigoureuse est indubitablement symbolique. C’est une partition,
parfois austère, d’une écoute exigeante, mais dont les beautés,
qui évoquent par moments les splendeurs des suites pour violoncelle
de Bach, récompenseront amplement ceux qui feront l’effort de les
découvrir. Le présent enregistrement – le premier en prise directe
– vient enrichir une discographie déjà fournie sans être abondante.
Il comporte des notes musicologiques du plus haut intérêt et qui recèlent
des révélations surprenantes.
PMB
Fauré
Complete Nocturnes
David Jalbert, piano
Endeavour Classics END 1014 (76 min 24
s)
HHHHHI
$$$
Les Nocturnes de Fauré n’ont
jamais eu aussi bonne presse que le célèbre cycle de Chopin. Parfois
perçus comme de belles mélodies n’ayant pas la profondeur et l’introspection
des chefs-d’œuvre du Polonais, les 13 réalisations de Gabriel Fauré
dans ce domaine sont de petits bijoux qui n’attendent qu’un interprète
totalement impliqué et convaincu, pour rayonner de toute leur splendeur.
Cet interprète, c’est David Jalbert. Sous ses doigts de poète attentif
aux subtilités du texte, Jalbert cristallise des moments de bonheur
exaltants. La confiance et la musicalité de ce jeune homme sont impressionnantes.
Le cycle de Fauré aura rarement été aussi près de la grandeur de
celui de Chopin. Ce qui frappe cependant (et seule une interprétation
de cette qualité pouvait nous amener à une telle reconnaissance),
c’est l’équilibre délicat et absolument unique entre le romantisme
fluide des mélodies et le modernisme de la transparence des rythmes
et de la sobriété des textures. Fascinante exploration. FC
Khandoshkin
Violin Sonatas op.3, nos 1-3 ; Six
Old Russian Songs
Anastasia Khitruk, violon ; Dmitry Ykubovsky,
alto ; Kyrill Yevtushenko, violoncelle
Naxos 8.570028 (70 min 17 s)
HHHHII
$
Ivan Khandoshkin (1747-1804) était compositeur
à la cour de Catherine la Grande. Il contribua à la création d’une
esthétique russe en musique savante. Malgré les emprunts stylistiques
à Bach ou à l’Italie, les premières manifestations d’un désir
de fusion intelligente entre le nec plus ultra de la création
européenne et les richesses du terroir local apparaissent ici avec
une certaine originalité. Les trois sonates pour violon seul rappellent
les monuments que sont celles du grand Bach. Sans avoir la même force
expressive, et surtout le même degré d’accomplissement intégré
entre les dimensions intellectuelles et purement techniques du discours
musical, les sonates de Khandoshkin renferment suffisamment de traits
originaux pour justifier une réintroduction dans le répertoire soliste
des violonistes d’aujourd’hui. Mélange de l’empfindsamer Stil
allemand d’une génération précédente, d’effets pyrotechniques
purement italiens, de folklore russe et d’une certaine polyphonie
ramenant, on l’a dit, à Bach, ces œuvres exigeantes sur le plan
technique devraient intéresser les violonistes et les auditeurs curieux.
Les Six Songs, des arrangements de chansons populaires joués
en trio, sont fort sympathiques dans leur simplicité volontaire. FC
Gabriela Montero
Bach & Beyond
EMI Classics 3 57477 2 (54 min 48 s)
HHHIII
$$$
Pianiste originaire de Caracas, Gabriela
Montero s’est fait connaître par un premier album, double, sur le
premier disque duquel on peut entendre d’excellentes versions d’œuvres
de Chopin, Rachmaninov, Scriabine ou Ginastera, tandis que le deuxième
disque propose des improvisations de la pianiste sur des thèmes classiques.
Elle récidive dans cette veine en s’inspirant cette fois-ci de Bach,
dont la musique a l’habitude d’être brassée à toutes les sauces...
Si ce genre de crossover peut plaire à un certain public, je
trouve pour ma part que, tant qu’à improviser, il vaudrait mieux
offrir quelque chose d’original... Elle offrira un exemple dans ce
style lors de son passage à Lanaudière, le 11 juillet. Réjean Beaucage
Autour de la harpe
Jennifer Swartz, harpe ; Montreal Chamber
Players
Atma ACD2 2356 (78 min 02 s)
HHHHHH
$$$
Disons-le d’emblée, ce disque est
une merveille ! Lao-Tseu a dit que le poète sait jouer sur une harpe
sans cordes. Affirmons donc bien haut que la harpe de Jennifer Swartz
n’en manque aucune, et que sa poésie s’en trouve ici carrément
décuplée ! Les œuvres choisies sont toutes françaises, et toutes
composées au tournant du xxe siècle. Le caractère suggestif
de la harpe est remarquablement magnifié par les rythmes et textures
complexes de l’esthétique impressionniste. Aux côtés d’œuvres
connues (Sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy, Introduction
et allegro de Ravel), nous découvrons les subtiles beautés d’une
Sérénade de Roussel, des Prélude, Marine et Chansons pour
flûte, violon, violoncelle et harpe (titre magnifique qui exprime
tout le délicat lyrisme de ce chef-d’œuvre à découvrir absolument)
de Joseph-Guy Ropartz, et d’un brillant Quintette pour cordes,
flûte et harpe de Koechlin. Interprétations exceptionnelles pour
des pages non moins exceptionnelles. Assurément, l’une des plus belles
productions de l’année 2006 ! FC
Mensa Sonora - Biber et ses contemporains
Œuvres de Biber, Muffat, Nicolai, Schmelzer
et Kertzinger
Sophie Gent, violon ; Masques / Olivier
Fortin
Analekta AN 2 9909 (69 min 10 s)
HHHHII
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Après deux disques consacrés à la
musique anglaise (« Matthew Locke – Consorts in Two Parts », paru
chez Dorian, et « English Fancy – Music anglaise du xviie
siècle », chez Analekta), l’ensemble Masques se tourne vers Biber
et ses contemporains Georg Muffat, Johann Michael Nicolai, Johann Heinrich
Schmelzer et Augustinus Kertzinger. Nous voici donc du côté de l’Autriche
du xviie siècle. Mais en fait, ce que laisse entrevoir ce
choix musical, c’est surtout la rencontre des cultures : des musiques
à la fois d’influence italienne, française et allemande. Fidèles
à eux-mêmes, les musiciens de Masques optent pour un jeu vivant, mais
qui ne tombe pas dans l’exubérance, et leur interprétation est sensible
et nuancée. Le disque se termine sur une magnifique Passacaglia
pour violon solo de Biber interprétée avec brio par Sophie Gent.
Isabelle Picard
Musiques des Montagnes
La Nef
Atma ACD2 2390 (78 min 02 s)
HHHHHI
$$$
L’ensemble La Nef poursuit son exploration
des sentiers les moins battus de la musique occidentale et proche-orientale.
Cette fois, l’ensemble nous emmène dans des sentiers encore moins
fréquentés que d’habitude : les riches et complexes reliefs de la
région des Balkans. Remontant le cours du temps, La Nef nous fait découvrir
des mondes étonnants. Des traditions de Thrace, d’Épire, de Macédoine,
etc., ponctuent ce très bel effort de défrichage. C’est aux sources
du langage musical occidental que nous retournons, et c’est au cœur
de la Grèce ancienne (et de l’Empire romain) que nous sommes plongés
durant plus d’une heure. Bien sûr, comme la majeure partie de ce
que fait La Nef, il s’agit de reconstructions effectuées à partir
de fragments largement incomplets, et d’extrapolations basées sur
une connaissance intime des traditions musicales de ces pays. Le résultat
est autant une exégèse des connaissances sur l’esthétique musicale
de cette région du monde, qu’une aventure dans les méandres des
musiques dites « du monde », ainsi que dans l’univers des musiques
improvisées. Un vrai dépaysement. FC
Scènes de Russie - Prokofiev &
Stravinsky
on Stage
Prokofiev : Cendrillon (extraits) ; Roméo
et Juliette (extraits) ; L’Amour des trois oranges (extraits) ; Chout
(suite) ; Ballade ; Stravinsky : Mavra (extrait) ; Suite italienne
Yegor Dyachkov, violoncelle ;
Jean Saulnier, piano
Analekta AN 2 9900 (66 min 14 s)
HHHHHI
$$$
C'est un programme particulièrement
intéressant que propose ici le duo Saulnier-Dyachkov : des chants et
danses tirés des ballets et opéras de deux grandes figures de la musique
russe du xxe siècle, Prokofiev et Stravinski. Les transcriptions
pour violoncelle et piano n’enlèvent rien aux couleurs de ces musiques,
qui conservent également tout leur potentiel dramatique. Certaines
de ces transcriptions ont été réalisées par les compositeurs eux-mêmes.
C'est le cas de l'Adagio extrait du ballet Cendrillon (Prokofiev)
et de la Suite italienne tirée par Stravinski de son ballet
Pulcinella. Quant aux interprètes, leur entente est parfaite. Ils
peuvent extraire de leurs instruments toutes les couleurs de l'orchestre
et donner vie aux images que renferment ces œuvres. IP
Vladimir Sidorov
Boîte
à musique
Œuvres de Chopin, Rodrigo, Piazzolla,
Liadov, Monti, Marcello, Williams, Gridin et Sidorov.
Disques Tout Crin TCD 19089 (57 min 12
s)
HHHHII
$$$
Vladimir Sidorov, virtuose du bayan (accordéon),
revisite des mélodies bien connues et des classiques du répertoire
de plusieurs instruments en plus d'enregistrer quelques-unes de ses
compositions.
Il faut un certain doigté et le
sens de l'équilibre d'un funambule pour graver sur disque une valse
de Chopin, un concerto de Marcello, le Concerto d'Aranguez et
autres Czardas, sans que cela ne soit de mauvais goût ou ne
devienne qu'une démonstration technique. L'art de Sidorov ne se traduit
pas exclusivement par sa dextérité ou ses prouesses techniques. L'interprète
possède une sensibilité propre, jamais forcée ou feinte. Il suffit
d'entendre ses versions de Chopin pour s'en convaincre. Dans notre univers
musical puriste, Sidorov rafraîchit. GB
Musique contemporaine/
Contemporary Music
DuBois
Timelapse
Cantaloupe CA21035 (52 min 05 s)
HHHIII
$$$$
L’inconvénient de la musique conceptuelle,
c’est que le concept est quelques fois plus intéressant que la musique...
Dans une tentative de plunderphonic (technique consistant à
faire une nouvelle musique à partir de musiques existantes) extrême,
DuBois se propose de faire une œuvre à partir des 857 pièces de musique
populaire inscrites dans le Top 100 du Billboard depuis 1958 ! Pour
ce faire, il compresse temporellement ces pièces qui ne durent plus
qu’une seconde ou deux, et deviennent des bruits blancs de qualité
variable, qu’il met les uns à la suite des autres. Un fragment de
même durée de ces pièces aurait peut-être donné un résultat plus
intéressant (à la John Oswald). Il fait subir un traitement similaire
au Clavier bien tempéré et à la chanson As Time Goes By
(de Herman Hupfeld), qui se métamorphosent en brumes sonores. Ce n’est
pas inintéressant en soi, mais le projet laissait espérer tout autre
chose... RB
Hickey
Left at the Fork in the Road; Flute
Sonata
New Prospect Chamber Players /
Sungjin Hong
Naxos 8.559279 (59 min 30 s)
HHHIII
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Sean Hickey (né en 1970) est un jeune
compositeur formé au jazz et au rock. Malheureusement, sa musique,
bien que sympathique à ces influences et laissant parfois transpirer
certaines de leurs caractéristiques, ne réussit pas vraiment à nous
apporter une nouvelle vision de la musique de concert basée sur une
fusion intelligente du savant et du vernaculaire. Beaucoup d’académisme
dans ces compositions plutôt tonales, somme toute assez prévisibles
dans leur chromatisme dissonant, bien qu’ici et là Hickey arrive
à nous surprendre au détour d’une ligne ou d’un motif. Il est
jeune cependant, alors laissons-lui le temps. FC
Sokolovic
Jeu des Portraits
Ciaccona, Jeu des portraits, Cinq locomotives
et quelques animaux, Géométrie sentimentale
Ensemble contemporain de Montréal /
Véronique Lacroix
Centredisques CMCCD 11406
HHHHHI
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Enfin, un disque consacré à la musique
d'Ana Sokolovic ! Née à Belgrade en 1968, la compositrice est installée
à Montréal depuis 1992 et est une des artistes les plus originales
et talentueuses de sa génération. Dans le matériau qu'elle utilise,
on retrouve des éléments mélodiques et rythmiques du folklore des
Balkans et les accents de la langue parlée. Sa musique est fantaisiste,
fortement imagée, et, bien que complexe, elle sonne comme une évidence.
Il était tout à fait naturel que les œuvres d'Ana Sokolovic soient
enregistrées par l'ECM, dirigé par Véronique Lacroix. Cette dernière
a été une collaboratrice de la première heure de Sokolovic, et l'ECM
a joué ses œuvres dès le début de la carrière de la compositrice.
Deux des pièces que l'on retrouve sur ce disque, Cinq locomotives
et quelques animaux (1996) et Géométrie sentimentale (1997)
ont d'ailleurs été composées pour l'ECM. IP
DVD
Monteverdi
Il Ritorno d’Ulisse in Patria
The Glynderbourne Chorus and the London
Philharmonic Orchestra / Raymond Leppard (1973)
Mise en scène : Peter Hall
Benjamin Luxon, Janet Baker
Arthaus Musik 101 101 (148 min)
HHHHHH
$$$$
Ce document vidéo m’est cher, car
c’est grâce à lui que, il y a longtemps, j’ai découvert l’œuvre
de Monteverdi et, à travers lui, l’esthétique de l’opéra du premier
baroque. Même si des océans d’encre ont coulé sous les ponts de
la musicologie depuis son tournage, il y a plus de trente ans, et que
Raymond Leppard fait maintenant presque figure d’ancêtre, il existe
un consensus critique à selon lequel, parmi les trois versions filmées
de l’œuvre disponibles au catalogue, celle-ci, la plus ancienne,
demeure le premier choix. Me joignant au choeur de ses admirateurs,
je vanterai d’abord sa fraîcheur et sa spontanéité, qualités qui,
hélas, font souvent défaut aux productions d’opéras baroques plus
« authentiques ». Je ferai ensuite l’éloge de la production elle-même,
un des grands moments de l’histoire du festival de Glyndebourne et
dont l’impact visuel demeure entier (audace caractéristique de l’époque,
on notera que le costume de l’interprète du rôle de la « fragilité
humaine » se ramène à... rien du tout !) Enfin, on ne pourra jamais
tarir d’éloges quand il s’agira de célèbrer les vertus, vocales
et autres, des deux interprètes principaux, Baker, au faîte de sa
gloire, et Luxon, alors au sommet de sa trop courte carrière. PMB
Uli Aumüller
Thy Kiss of a Divine Nature
– The Contemporary Perotin
The Hilliard Ensemble
Arthaus Musik 100 695
HHHHHI
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C’est un documentaire passionnant qu’a
réalisé Uli Aumüller autour de Pérotin, célèbre compositeur de
Notre-Dame de Paris (durant la seconde moitié du xiie siècle)
à propos duquel nous savons en fait bien peu de choses. Qui était-il
exactement ? Comment doit-on interpréter sa musique ? En tentant d’éclaircir
ces questions, ce sont également des sujets tels que la conception
temporelle au Moyen-Âge ou le mode de construction des cathédrales
qui sont abordés. Pour interpréter la musique de Pérotin, nul autre
que le Hilliard Ensemble, accompagné par des projections d’images
sur les murs blancs de l’église Saint-Pierre de Lübeck. Nous assistons
également à des fragments de séances de travail du quatuor vocal.
L’intérêt du documentaire ne se limite pas à son contenu (très
fouillé), mais également à sa forme, qui mêle débats scientifiques,
danse et chant. Les suppléments, généreux, comprennent l’intégralité
d’un symposium (filmé en mars 2003) sur Pérotin où s’expriment
les quatre savants Martin Burckhardt, Rudolf Flotzinger, Christian Kaden
et Jürg Stenzl. Le sujet donne lieu à des débats passionnés ! Le
coffret comprend également un CD de musiques du film. Le documentaire
est en allemand avec un choix de sous-titres (anglais, français, espagnol…),
mais seuls les sous-titres anglais sont disponibles pour le symposium
(aussi en allemand). La consultation de ce coffret est incontournable
pour quiconque veut approfondir sa connaissance de Pérotin. IP
Rossini
Il Signor Bruschino
Radio-Sinfonieorchester Stuttgart /
Gianluigi Gelmetti
Mise en scène : Michael Hampe
Alessandro Corbelli, Amelia Felle, David
Kuebler, Alberto Rinaldi
EuroArts 2054988 (98 min)
HHHHHI
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Il signor Bruschino, ou le
Fils par hasard, est l’un d’une demi-douzaine de « courts »
opéras-bouffes en un acte que nous a légués Rossini. L’argument
est celui d’une farce bourgeoise : le jeune Florville aime la fille
de Gaudenzio, l’ennemi personnel de son père ; dans une tentative
hardie de le convaincre de lui accorder la main de la belle Sofia, il
se présente chez lui en se faisant passer pour le fiancé de la jeune
fille, Bruschino cadet, que personne n’a encore jamais vu ; survient
le père du vrai Bruschino, Bruschino l’aîné, qui, bien sûr, a
quelque peine à reconnaître son fils. Les complications comiques
s’ensuivent inévitablement. Cette partition, toujours agréable et
parfois inspirée, reçoit ici un traitement de luxe, dans le cadre
unique du petit théâtre rococo de Schwetzingen près de Stuttgart.
La production, en costumes d’époque (1810-1820), est étincelante.
Le baryton Alessandro Corbelli (Gaudenzio) est au sommet de sa forme,
comme comédien et comme chanteur. Il est fortement épaulé par un
maestro expert, ainsi qu’une distribution surtout italienne, mais
où l’on retrouve aussi l’excellent « ténor de grâce » américain
David Kuebler. Les autres solistes se distinguent surtout par leurs
qualités de comédiens. PMB |
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