| Marie-Josée Lord, pas une étoile filante ! no falling star!Par Réjean Beaucage / Wah Keung Chan
 / 7 août 2005 
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  Arrivée dans la vieille capitale à l’âge de cinq ans en 
						provenance d’Haïti, c’est à Québec que la soprano Marie-Josée Lord a débuté son 
						apprentissage musical. Il y a un piano à la maison, et ses parents 
					adoptifs, des enseignants en sciences au niveau secondaire, sont heureux de 
					constater que l’instrument l’attire et surtout, qu’elle apprend vite !
 Elle débute le piano dès l’âge de sept ans. « J’ai 
				arrêté le piano entre 14 et 17 ans parce que j’apprenais aussi le violon depuis 
				l’âge de 11 ans et… il y avait aussi mon éducation au secondaire qui demandait 
				de l’attention. Mais j’ai eu un accident et j’ai été blessée à l’épaule, alors 
				j’ai dû laisser le violon et je suis finalement entrée au Conservatoire pour 
				étudier le piano. » Capable d’apprécier ses propres limites en tant que 
				pianiste, Marie-Josée se prend à imaginer un avenir assez sombre dans cette 
				voie : « Au moment d’arriver au niveau universitaire, il faut être fixé sur ce 
				que l’on veut faire. Je ne me voyais pas comme pianiste de concert, puisque 
				dans ce cas-là j’aurais déjà dû avoir donné des concerts depuis plusieurs 
				années… Et puis je ne me voyais pas non plus comme accompagnatrice. On pourrait 
				dire qu’entre l’instrument et moi, ça ne cliquait plus… » À ce moment-là, la 
				musique a bien failli perdre une solide aspirante au profit de la psychologie, 
				la jeune étudiante étant désillusionnée après avoir tant étudié le maniement 
				d’un instrument qui ne semblait pas pouvoir lui offrir un gagne-pain à sa 
				mesure. « Je n’étais pas passionnée par le piano, mais c’est lorsque j’ai pris 
				la décision de l’abandonner que j’ai découvert le chant, et là, ça a été un 
				coup de foudre ! J’ai vu l’Atelier lyrique du Conservatoire [de musique de 
				Québec] répéter et je comprenais cet art-là, je me disais "Oui, c’est ça 
				!", je découvrais une forme d’art qui répondait à toutes mes demandes ; un 
				sentiment comparable au fait de… trouver l’homme de sa vie ! » De nouveaux défis À ce moment-là, à 20 ans, l’étudiante qui découvre sa 
				voie n’a encore jamais assisté à une représentation d’opéra. Durant sa dernière 
				année d’apprentissage du piano, suivi avec l’entrain très relatif de quelqu’un 
				qui a déjà décidé d’abandonner, une amie l’invite à suivre des cours de chant, 
				proposition qu’elle accepte simplement pour le plaisir. Surprise par la 
				facilité dont fait preuve Marie-Josée Lord dans son cours de chant, son amie la 
				présente à un professeur qui l’invite à passer les auditions afin de se 
				réinscrire au Conservatoire en chant ! « J’avais bien sûr déjà une très bonne 
				base en musique; premier prix en solfège, premier prix en dictée, etc. Alors je 
				pouvais me concentrer sur l’apprentissage de cette nouvelle discipline. Comme 
				j’ai tendance à apprendre rapidement, le risque d’être démotivée est toujours 
				présent, alors j’ai demandé à mon professeur, Madame Martel-Cistellini, de me 
				maintenir à un niveau avancé, afin de soutenir l’intérêt. En contrepartie, mes 
				notes n’étaient pas aussi élevées qu’elles auraient pu l’être, en raison du 
				niveau de difficulté que je m’imposais. C’était difficile pour l’ego, mais 
				c’était aussi le défi que je me donnais de devoir faire mieux. J’ai eu les 
				notes que je voulais lorsque je suis arrivée au troisième cycle. » Ayant commencé le chant en 1992, la mezzo-soprano (à 
				l’époque) a déjà un contrat dans un théâtre lyrique à l’été 1994 et donne son 
				premier récital en 1995. Les choses vont vite. Elle est Turandot au 
				Conservatoire de Québec en 1997, puis Suor Angelica en 1998. En 1999, elle se 
				lance un autre défi et part s’installer à Montréal pour participer à l’Atelier 
				lyrique. « La première année a été littéralement bouleversante, 
				explique-t-elle. On le sait bien, il y a une certaine compétition entre 
				Montréal et Québec, ce qui fait que l’on n’est pas forcément accueilli à bras 
				ouverts… J’avais le même professeur depuis 7 ans à Québec, j’avais un certain 
				rayonnement dans le milieu musical de Québec, et voilà que c’était à 
				recommencer. L’adaptation a été difficile. J’ai passé trois ans sans pouvoir 
				accorder ma confiance à un autre professeur. Après un an de solitude, la 
				deuxième année a été difficile au niveau de la voix. J’étais incapable de faire 
				des concours ou des auditions, je n’avais plus le contrôle de ma voix… » Trois ans après qu’elle eut quitté Québec, lors d’une 
				production de La Traviata pour laquelle elle doublait Violetta, le 
				metteur en scène Renaud Doucet lui a parlé de la soprano Lyne Fortin, 
				l’encourageant à en faire son professeur. ´  À ce moment-là j’étais prête 
				à offrir ma confiance à un nouveau professeur et elle m’a beaucoup aidée, pour 
				la respiration, l’appui de la voix, le relâchement des tensions et des 
				mouvements compensatoires développés automatiquement par le corps. Aujourd’hui, 
				ma voix est beaucoup plus égale et j’ai beaucoup progressé aussi dans 
				l’atteinte des notes hautes. Elle est quelqu’un de très direct et elle n’enrobe 
				pas ses observations pour les faire mieux passer; quand je ne chante pas bien, 
				elle n’hésite pas une seconde à me le dire ! Comme la pianiste Esther Gonthier, 
				avec qui je travaille beaucoup. Ça aide à rester humble et à mesurer le chemin 
				qui reste encore à parcourir. Je sais qu’à ce stade-ci, j’ai encore une 
				confiance personnelle à développer, afin d’être plus sûre de mes moyens et 
				d’exercer un meilleur contrôle sur le flot de la voix. ª Après trois ans 
				d’introspection, les conseils du professeur ont porté fruits et les rôles 
				intéressants ont commencé à se bousculer dans l’agenda de la chanteuse : on a 
				pu l’entendre depuis dans le rôle de Liù, dans Turandot, à l’Opéra de 
				Québec en 2003 et à celui de Montréal en 2004, et elle fut Mimi dans La Bohème, 
				à l’Opéra de Montréal en 2004. La critique a alors découvert une soprano qui 
				est aussi une très bonne actrice et qui rend l’émotion du texte avec un naturel 
				viscéral. Starmania Marie-Josée Lord a été grandement remarquée en 
				novembre 2004, tant par la critique que par le public, pour sa performance dans 
				le rôle de Marie-Jeanne, dans la version symphonique, donnée avec l’Orchestre 
				symphonique de Montréal, de l’opéra-rock Starmania, dont on célébrait le 
				25e anniversaire. Elle reprenait le rôle à Paris en janvier et février 2005 
				avec tout autant de succès. Des supplémentaires ont déjà été annoncées il y a 
				longtemps à l’OSM (pour les 21 et 22 juin 2005; la tenue de ces concerts est 
				pour le moins incertaine au moment d’écrire ces lignes, alors que l’OSM est en 
				grève générale illimitée…). Et l’œuvre sera aussi reprise avec l’Orchestre 
				symphonique de Québec en ouverture du Festival d’été de Québec dans un grand 
				concert donné sur une scène extérieure sur les Plaines d’Abraham le 7 juillet 
				prochain. « C’est vraiment quelque chose que je n’attendais pas ! Je 
				connaissais à peine Starmania, par les airs que tout le monde a entendus 
				à la radio; je ne connaissais pas le "phénomène" Starmania ! J’y suis 
				allée en me disant que ce concert pop avec l’OSM allait m’offrir une expérience 
				supplémentaire, tout simplement. Je n’ai jamais pensé que ça puisse obtenir un 
				tel succès, surtout si l’on considère le nombre de versions différentes que les 
				gens ont déjà pu entendre ! » Un succès qui, même s’il vient d’un projet 
				hybride relativement éloigné de l’opéra (et d’ailleurs offert en version 
				concert), a offert à la soprano une visibilité importante. La chanteuse pourrait d’ailleurs être encore une fois 
				placée sous le feu des projecteurs très bientôt puisqu’elle participe au grand 
				concours BBC Cardiff Singer of the World 2005 qui se tiendra du 11 au 19 juin. 
				« C’était la deuxième fois que je tentais de m’inscrire au concours Cardiff et 
				j’y suis allée sans trop d’espoir, parce qu’il y a tellement de monde qui s’y 
				présente, mais sans pression non plus. Le juge m’a demandé de chanter "Signora 
				ascolta", de Turandot, que je connais très bien, puis il m’a demandé de 
				le refaire avec diverses modifications; il m’a ensuite demandé "Donde lieta 
				usci", de La Bohème; nous avons discuté, puis il m’a demandé, après une 
				pause, de chanter "Stridono lassù" de I Pagliacci. L’audition était à 
				New York, et c’est à mon retour à Montréal que j’ai appris que je serais parmi 
				les 25 participants. » Nous y reviendrons très certainement dans notre 
				prochaine édition. Enfin, elle participera au Festival Orford le 6 août 
				prochain, avec la pianiste Esther Gonthier, pour un récital proposant des airs 
				espagnols et des airs de Gershwin. La saison 2005–2006 de Marie-Josée Lord 
				aligne déjà de nombreuses performances importantes, parmi lesquelles le rôle de 
				Louana dans L’Étoile de Chabrier en novembre et un concert avec 
				l’OSM en mars. Pas de doute, nous vous reparlerons souvent de Marie-Josée Lord. Quel rôle voudrait-elle jouer à tout prix ? « J’ai déjà eu la chance de le faire, c’est Mimi, dans La 
					Bohème (janvier 2004, Opéra de Montréal). C’est vraiment un beau rôle, 
				et j’aimerais le refaire encore et encore, parce qu’il y a tellement de détails 
				! Le personnage est simple en soi, mais l’interaction entre la voix et la 
				musique offre tant de possibilités qu’il faudra plusieurs représentations pour 
				les explorer. J’aime aussi beaucoup Nedda dans I Pagliacci, de 
				Leoncavallo; un rôle très court, qui offre l’intensité de Verdi et le jeu de La 
					Bohème, mais en 45 minutes ; parfait pour une jeune soprano, comme 
				moi, qui ne veut pas se briser la voix ! » Un objectif à atteindre ? « J’ai assisté à un concert de Renée Flemming et Bryn 
				Terfel et ce qui m’a d’abord frappée, ce n’est pas tant la qualité de la voix 
				de Renée Flemming que sa capacité à s’adapter parfaitement au style de chacun 
				des airs qu’elle chante. Que ce soit Mozart ou Gershwin, elle est à 100 % dans 
				le style qu’il faut adopter, la prononciation est parfaite, etc. Je cherche 
				actuellement quelqu’un à Montréal qui puisse m’aider à travailler dans ce sens, 
				mais je ne trouve personne ! À partir d’un certain moment dans la carrière, on 
				travaille de plus en plus sur des questions de détails, comme celle-là, et les 
				personnes qui peuvent vous aider se font de plus en plus rares… C’est le 
				prochain objectif à atteindre, mais l’objectif ultime c’est de pouvoir utiliser 
				ma voix comme un instrument. On entend souvent lorsqu’il est question d’un 
				concert, par exemple, "il y avait trois musiciens et une chanteuse"… Mais moi 
				je me considère comme une musicienne ! Et je veux pouvoir exercer un contrôle 
				total sur mon instrument. » Des chanteuses inspirantes ? « J’aime Barbara Hendricks pour sa finesse, j’aime la 
				voix de Jessye Norman et j’aime Joan Sutherland pour la facilité apparente avec 
				laquelle elle chante, quel que soit l’air. Chez les hommes, j’aime beaucoup 
				Bryn Terfel; il représente ce que je voudrais être, c’est-à-dire quelqu’un de 
				simple qui chante avec son cœur. » Récital ou opéra ? « J’aime les deux, mais bien sûr au récital on est 
				plus libre et on peut davantage mettre en valeur ce qui fait notre originalité 
				propre. Bien sûr, à l’opéra, la liberté de l’interprète est davantage 
				restreinte. On peut toujours s’entendre avec le metteur en scène, mais je me 
				suis laissée dire que le meilleur truc, c’est d’acquiescer à toutes ses 
				demandes et ensuite de faire ce que l’on veut… (rires) De toute façon, après la 
				première, il n’est plus là ! » Festival d’été de Québec : 
					http://www.infofestival.com BBC Cardiff Singer of the World 2005 : 
					http://www.bbc.co.uk/wales/cardiffsinger05 Festival Orford : http://www.arts-orford.org Opéra de Montréal : 
					http://www.operademontreal.com English Version...
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