| LivresPar Réjean Beaucage
 / 14 mai 2005 
 
 Deux livres 
				parus ces derniers mois sauront sans doute captiver les amoureux de la musique 
				vocale, fussent-ils amateurs ou professionnels. À tour de rôles (Fondation 
				Jeunesses Musicale du Canada, 438 p., 2004), rédigé par le musicien et 
				réalisateur radiophonique Jacques Boucher et la musicologue Odile Thibault, 
				nous permet de suivre l’itinéraire artistique du grand chanteur québécois 
				Joseph Rouleau. Comprenant une iconographie importante témoignant de toutes les 
				étapes de la vie de Rouleau, le livre est le fruit d’une recherche 
				impressionnante pour laquelle les auteurs ont bénéficié d’une cinquantaine 
				d’entretiens avec le chanteur, dont les citations se greffent continuellement 
				au texte relatant les détails de sa vie, de la naissance à aujourd’hui. Un très 
				bel hommage paru pour souligner le 75e anniversaire de Joseph Rouleau. Dans notre 
				édition de mars, notre collaborateur Joseph K. So faisait une critique 
				élogieuse de l’autobiographie de la soprano américaine Renée Fleming The Inner 
					Voice: The Making of a Singer, parue chez Viking. C’est en effet avec 
				un très grand plaisir que j’en ai lu la traduction française : Une voix (Fayard, 
				356 p., 2005). Très bien écrit, le texte de la diva se lit comme un véritable 
				roman d’apprentissage, au long duquel on suit l’héroïne pas à pas depuis ses 
				premières intuitions musicales jusque dans les ligues majeures de l’opéra, en 
				passant par les hauts et les bas de son long apprentissage, ses réflexions sur 
				la technique vocale et les évocations des grandes voix qu’elle a côtoyées (et 
				côtoit toujours). Le talent de Madame Fleming pour l’écriture lui assurera sans 
				doute une deuxième carrière ! En attendant, la lecture de cette « 
				autobiographie de [s]a voix » vous donnera à coup sûr l’envie de la réentendre. DVD par 
						Réjean Beaucage Maria 
						Callas : Living and Dying for Art and LoveSteve Cole, réalisateur
 TDK – (71 min)
 **** $$$$
 Elle a 
				interprété le rôle de Tosca pour la première fois en 1942 et c’est aussi dans 
				ce rôle qu’elle chantait ses toutes dernières notes sur une scène d’opéra le 5 
				juillet 1965. Ce film, dont le titre s’inspire du texte de l’air célèbre de Tosca
				« Vissi d’arte », entremêle les destins respectifs du personnage de l’opéra de 
				Puccini et de la célèbre chanteuse, dont les récits nous sont offerts par des 
				témoins qui ont connu aussi bien l’une que l’autre. On a donc droit à une 
				description de Tosca par, entre autres, Grace Bumbry, Placido Domingo, 
				Tito Gobbi et Franco Zeffirelli, de même qu’à une demi-biographie (la deuxième 
				moitié de sa vie) de la diva. Les fans, nombreux sans doute, 
				n’apprendront pas grand chose, mais ceux qui connaissent mal la vie de Callas y 
				découvriront de nombreux détails sur sa vie privée, sa façon de travailler et 
				son charisme. Nombreux documents d’archives, dont de rares extraits filmés 
				permettant de juger du talent de Maria Callas dans ce rôle qu’elle a tant 
				marqué. CD par 
						Isabelle Picard La 
					voix baroque L’époque 
				baroque a vu l’invention d’un nouveau style musical, qui mettait en scène une 
				voix soliste accompagnée d’une simple basse continue. La vedette principale en 
				était le texte, et l’idéal recherché, l’expression. Voici trois 
				sélections parmi les apports récents à la discographie de ce répertoire. 
				Commençons par la doyenne du groupe, la mezzo-soprano Anne Sofie von Otter (« 
				Music for a While », Archiv Produktion 4775114), que nous pouvons entendre dans 
				un contexte intimiste, accompagnée par Jory Vinikour (clavecin et orgue 
				positif), Jakob Lindberg (théorbe, luth et guitare baroque) et Anders Ericson 
				(théorbe). Son récital se divise en deux grandes parties : on se trouve d’abord 
				en Italie (avec par exemple G. Caccini et C. Monteverdi), aux origines de la 
				monodie baroque. On fait ensuite le saut en Angleterre, en premier lieu avec 
				des mélodies de Purcell (1659–1695), puis avec John Dowland (1563–1626). Le 
				choix du répertoire italien est particulièrement intéressant et fait entendre 
				quelques airs peu enregistrés (dont un de Barbara Strozzi, une des rares 
				compositrices de l’époque). L’accompagnement instrumental est impeccable, comme 
				c’est d’ailleurs le cas pour ces trois disques, et von Otter use d’une grande 
				variété de timbres (trop grande, diront peut-être certains) pour s’approcher de 
				l’idéal d’expression. La jeune soprano allemande Annette Dasch (« 
				Chansons baroques allemandes », Harmonia mundi HMN 911835) accorde également de 
				toute évidence une grande importance au texte et a choisi une approche 
				dramatique. Il s’agit pour elle d’un premier disque, qui laisse croire que son 
				nom sera à surveiller. Accompagnée par des membres de l’Akademie für Alte Musik 
				Berlin, elle propose un programme fascinant consacré aux racines de l’art vocal 
				baroque allemand (des noms qu’on voit peu, tels que H. Albert, J. Krieger, P.H. 
				Erlebach ou E. Kindermann), à une époque où les styles ancien et nouveau se 
				côtoient encore. On sent, particulièrement chez Heinrich Albert, l’influence de 
				la monodie italienne. Un manque du livret, cependant : ne pas avoir mis la 
				traduction des textes chantés. De ce côté-ci de l’Atlantique, le contre-ténor 
				Matthew White (« Disperato Amore », Analekta AN 2 9904), avec son ensemble Les 
				Voix baroques, présente un programme d’oeuvres d’Alessandro Scarlatti : 
				cantates (trois, parmi les quelques 600 composées par Scarlatti), motet et deux 
				sonates. L’approche de White est moins théâtrale, plus sobre. Ces cantates, 
				avec leur succession d’airs et de récitatifs, sont comme des opéras miniatures 
				où, encore une fois, le souci d’expression dramatique est bien présent. La 
				ligne mélodique est libre et les ornements de bon goût. | 
 |