La musique du monde, c'est aussi de la musique... Par Bruno Deschênes
/ 9 avril 2005
Connaissez-vous le Festival Musique
Multi-Montréal, Des Musiques et du monde (MMM) ? Ce festival de musiques du
monde fête cette année son 15e anniversaire et a reçu pour sa dernière édition
le prix Opus de l'Événement musical de l'année du Conseil québécois de la
musique. Cependant, Liette Gauthier, fondatrice et directrice artistique du
festival, indique que personne ne semblait connaître ce festival et que les
journaux n'en ont fait aucunement mention par la suite. Comment un festival qui
en est à son 15e anniversaire peut-il être si méconnu ? J'ai demandé à Liette
Gauthier de nous le présenter.
Le festival a débuté en 1990 en partenariat avec le
Patro Le Prévost et Radio Centre-Ville, qui diffusait alors les spectacles en
direct. Huit groupes étaient présentés chaque soir. Par la suite, plusieurs
groupes ont contacté les organisateurs pour proposer leur participation. Ces
derniers n'avaient aucunement prévu l'intérêt qu'un tel festival susciterait.
Jusqu'à récemment, le comité de sélection faisait du porte à porte pour
auditionner des groupes pour la plupart inconnus et d'origines les plus
diverses. Vers 1993, le festival a commencé à recevoir des demandes de
musiciens, de producteurs et d'organismes, l'incitant ainsi à mettre en place
une agence de placement d'artistes de musiques du monde. Ils offrent un service
d'expertise tant aux producteurs qu'aux artistes mêmes.
À ses débuts, le festival était subventionné par le
ministère des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, ces musiques n'étant pas
considérées comme de la vraie musique. Mais cela a heureusement changé.
Cependant, le festival est encore sous-financé. Il opère avec sensiblement le
même budget depuis quinze ans. Les différents paliers gouvernementaux
méconnaissent le festival, et tout autant de la musique du monde.
Le Festival Des Musiques et du monde désire faire
connaître et apprécier les musiques les plus diverses, en les fusionnant sur
scène, sans pour autant les dénaturer. Le but premier est d'offrir une tribune
aux musiciens et aux musiques pour se faire entendre et non uniquement de
présenter des spectacles qui plaisent au public. Ce 15e anniversaire est, je
crois, indicatif de l'intérêt du public montréalais à l'égard de cette formule.
Plusieurs groupes et musiciens montréalais ont débuté
à MMM. Citons l'interprète du pipa chinois Liu Fang, les frères Tabassian, le
musicien cubain Carlos Placeres, le groupe Kleztory, le groupe originaire du
Tchad H'Sao et bien d'autres. Liette nous apprend que MMM est même à l'origine
de plusieurs concerts jumelant des orchestres québécois avec des musiciens du
monde. Citons le concert de l'Orchestre Métropolitain avec la mezzo-soprano
Nora Sourouzian dans une œuvre du compositeur V. Gomidas, tous deux arméniens,
et tout dernièrement la collaboration de Kleztory et des chanteuses de gorge
inuites Nina Segalowitz et Taqralik Partridge avec l'OSM. Par ailleurs, MMM est
un des rares festivals à faire des commandes d'œuvres pour chacun de ses grands
spectacles. MMM est aussi le premier festival au Québec et possiblement au
Canada à présenter des concerts de musiques du monde en salle et non pas
uniquement dans les parcs ou la rue. De plus, il est le seul à puiser parmi les
artistes locaux, toutes origines confondues.
Liette indique que « la musique du monde, comme toute
musique, est en mouvance. On véhicule souvent la fausse idée que ces musiques
sont figées dans le temps ». Tout en tentant de sauvegarder leur authenticité
malgré l'hégémonie occidentale, ces musiques se renouvellent constamment et MMM
désire participer à cette évolution.
Lorsque Liette a reçu son prix Opus, elle a fait une
mention que je crois représentative de la considération accordée aux musiques
du monde : « la musique du monde, c'est aussi de la musique... ». La musique du
monde est encore un enfant pauvre de notre paysage musical actuel.
En disque
Azerbaïdjan, L'art du sâz
Edalat Nasibov
Ocora, 2003, C 560181 HM 76 (73 min 51 s)
***** $$$$$
L'Azerbaïdjan est une république sise au nord de
l'Iran. Bien qu'elle soit musulmane, les influences musicales de l'Iran et du
soufisme y sont très fortes. On retrouve dans ce pays une longue tradition de
bardes, les âshyq, ces chanteurs, poètes, raconteurs qui s'accompagnent
au luth, le sâz. Ces musiciens sont de grands improvisateurs. À partir
de mélodies vieilles de plusieurs siècles, ils peuvent improviser et chanter
pendant des heures. Le sâz possède neuf cordes (trois triples) et neuf
frettes fondamentales. Malheureusement, au xxe siècle, une partie de cette
tradition s'est perdue, le répertoire et le style s'étant largement unifiés.
Sur ce cd, nous entendons Edalat Nasibov, considéré le plus grand barde du xxe
siècle.
Quelques festivals des musiques du monde au Québec
À Montréal
Festival Des Musiques et du monde
Musique MultiMontréal, 19-24 avril 2005
http://www.musiquemultimontreal.com
Festival du patrimoine asiatique
Montréal, 4-19 mai 2005
http://www.accesasie.com
Terres en vues, Présence autochtone
Montréal, 13-22 juin 2005
http://www.nativelynx.qc.ca/pageqdeneuffr01.htm
En province
Mondial des cultures Drummondville, 7-15
juillet 2005
http://www.mondialdescultures.com
Festival Mémoire et racines Lanaudière, 29-31
juillet 2005
http://www.memoireracines.qc.ca
Festival international des rythmes du monde Chicoutimi,
4-14 août 2005
http://www.rythmesdumonde.com
Festival Musique du bout du monde Gaspé,
12-14 août 2005
http://www.musiquesduboutdumonde.com
Livres
Music in Japan
Bonnie C. Wade
Oxford University Press, Oxford, 2005, 184 p. ISBN
0-19-514488-0
Music in Bali
Lisa Gold
Oxford University Press, Oxford, 2005, 178 p. ISBN
0-19-514149-0
Ces deux volumes font partie d'une collection sur les
musiques du monde dédiée principalement aux enseignants en musique. Chaque
auteur présente l'historique de ces musiques tout en les mettant en situation
dans le contexte du xxe siècle et de l'impact de l'Occident. Chacun de ces
livres contient un CD avec des exemples de pièces tant traditionnelles que
contemporaines, accompagné d'exercices d'écoute. Music in Japan trace un
portrait très succinct de la musique traditionnelle japonaise, mais surtout de
l'impact de la musique occidentale. Nombre de Japonais d'aujourd'hui, musiciens
ou non, considèrent leur musique traditionnelle comme une musique « étrangère
», révolue. À Bali, par contre, si l'impact de l'Occident ne peut être nié,
causé par la très grande popularité du pays comme destination touristique, ce
peuple a su avoir foi en ses traditions et éviter de les transformer à
l'occidentale. Elles sont ainsi admirablement maintenues. Excellents livres
pédagogiques qui intéresseront autant les étudiants en musique et les musiciens
que les mélomanes avides de musiques du monde. Cette collection comprend
actuellement 17 volumes.
Nouvelles
Site GlobalSound, Smithsonian Institute, Washington
Nouveau site où l'on peut acheter des MP3 de musiques
du monde à 0,99 $ US.
http://www.smithsonianglobalsound.org
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