Courrier des lecteurs
9 avril 2005
Question
? Réplique ? Opinion ? Faites parvenir votre texte, avec la mention « Courrier
des lecteurs » à Réjean Beaucage (rbeaucage@scena.org). La Scena Musicale
se réserve le droit de couper les textes jugés trop longs.
Réponse à la lettre de monsieur Philippe Gervais
publiée dans le Courrier des lecteurs de février 2005
Cher monsieur Gervais,
Dans une lettre publiée en février dernier dans La
Scena Musicale vous teniez comme preuve de la « légèreté » des propos
d'Espace Musique le fait que « l'animatrice chargée à elle seule de faire la
revue de toutes les nouveautés en musique classique se décrit comme une petite
fille gourmande qui a trouvé la clé de la fromagerie ». Vous vous demandiez «
qui invitera un musicien classique, un musicologue... » pour mettre la musique
en contexte. Vous serez heureux de savoir que vos vœux sont comblés. Chaque
samedi, la musique est mise en contexte et les enregistrements commentés par
cette « petite fille » que je ne suis plus, hélas, depuis longtemps. Je possède
un doctorat en musicologie, j'ai publié entre autres des articles dans les
grandes encyclopédies internationales (Grove's, MGG, xixe siècle/Fayard,
Dictionnaire Berlioz, Enciclopedia della musica/Einaudi) et un volume sur la
critique musicale (Société Française de musicologie, Paris, 2003). Je suis
également depuis trois ans rédactrice en chef des Cahiers de la SQRM. Enfin,
j'ai réalisé plusieurs documentaires dont une série de dix heures sur
l'Histoire de la musique à la radio et une autre de vingt heures sur Berlioz
qui a été diffusée au Canada et en Europe par les Radios Francophones
Publiques. Il m'a semblé plus important de partager avec les auditeurs le
plaisir que me procure la musique plutôt que de leur imposer la lecture de mon
CV.
Sylvia L'Écuyer, PhD
Réalisatrice/Animatrice, Espace Musique
Réponse à Sylvain Lafrance
À lire Sylvain Lafrance [édition de mars 2005], on a
vraiment l'impression que rien n'a été perdu lors de la création d'Espace
Musique, qu'on a seulement jonglé avec des blocs, déplacé ici, transféré là, un
merveilleux travail d'équilibrage et de marketing destiné à offrir un produit
radiophonique mieux défini, plus accrocheur. Pourtant, lisez son
dépliant publicitaire et vous verrez que la nouvelle radio réagit à la
concurrence des postes commerciaux en les imitant, puisqu'elle n'a d'autre but
que de proposer un bel ameublement sonore pour vos journées : d'abord, de la
musique classique « capable d'adoucir les réveils », ensuite des chansons à «
entonner au bureau » ; plus tard, « pour les dernières heures de travail », on
vous offre « les retours éclectiques », suivis des « apéros jazz ». En bref,
c'est « Ma radio au boulot » ou « La musique qui fait du bien », des slogans
que pourrait reprendre Espace Musique, s'ils n'appartenaient pas déjà à des
stations concurrentes. [...]
Quant au fameux transfert de contenus culturels vers
la Première chaîne, il ne concerne en rien la musique et surtout pas la musique
classique. Impossible désormais d'imaginer une série d'émissions sur un thème
spécifique comme le piano, par exemple, ou la musique baroque. Vous voulez
entendre, sur disque, une version intéressante d'une œuvre ayant une durée de
plus de dix ou quinze minutes ? Impossible également ! Quant à envoyer Georges
Nicholson à l'étranger interviewer un interprète célèbre, voilà qui semble
relever de l'utopie ! Et c'est bien le plus triste : on réussit à nous laisser
croire que ce qui se faisait tout récemment encore est maintenant totalement
irréalisable, alors que les budgets ne manquent pas quand il s'agit de faire
tirer des voyages ou des séjours dans un spa ! Pourquoi ne pas demander à la
claveciniste Catherine Perrin, que les gens connaissent puisqu'elle fait aussi
de la télé, d'animer une émission à contenu sur la musique ancienne ? Pourquoi
ne pas ramener en onde une vraie émission de critique de disques avec des
invités connaisseurs, où on ne parlerait pas seulement des nouveautés coups de
cœur, mais aussi des versions de référence ? À France Musiques on a même
proposé à un musicologue de traquer à l'intention des jeunes « les prémisses du
rap dans la musique de la Renaissance ou l'ancêtre du rock dans la chaconne » !
Comme quoi les exigences du contenu et le désir de rejoindre plus d'auditeurs
sont compatibles, si l'on fait preuve de culture et d'imagination !
Claude Alie, flûtiste
Festival MNM : Un reflet de quelle identité ?
Pour quelqu'un de ma génération, la longue lettre de
Simon Bertrand (Festival MNM : Un reflet de notre identité ?, mars 2005)
me fait penser au moment, il y a vingt-cinq ans, où le Festival International de
Jazz de Montréal (FIJM) a vule jour; à cette époque M. Bertrand était
encore un enfant. Tout le milieu des musiciens de jazz montréalais, un groupe
alors relativement modeste, se posait les mêmes questions à propos du FIJM que
M. Bertrand vient de faire ressurgir : ce festival est-il utile pour le milieu
et répond-il à un besoin urgent de visibilité de notre art ?
À ce moment-là, le dynamique duo Simard-Ménard avait
dû répondre à des questions similaires à celles que pose M. Bertrand : MNM
est-il pour autant un festival représentatif et équitable des « Forces en
présence » du milieu ? Si les deux « hommes forts » du FIJM avaient
répondu oui à ce genre d'interrogation, leur festival n'aurait jamais continué
à rayonner sur la scène internationale. Le problème de la visibilité du milieu
local a été résolu au fur et à mesure par l'apparition des scènes extérieures
situées aux intersections de rues importantes du centre-ville.
Le raisonnement que propose M. Bertrand dévoile une
contradiction ridicule : S'il s'agit réellement d'une vitrine internationale
représentative du milieu [une vitrine internationale de notre identité
musicale], et des diverses forces qui le composent, pourquoi la
direction artistique du festival ne laisse-t-elle pas réellement les musiciens,
ensembles ou organismes, en fonction de leur mandat et vision artistique,
déterminer ce qu'ils présenteront pendant le festival ? Si nous devons
être sauvés, comme il est question ailleurs dans sa lettre, c'est de ce type de
logique, de ce sophisme nombriliste ! Une vitrine internationale expose ce que
le vaste monde a à nous offrir en nous proposant une mise en situation et une
émulation et non pas le simple étalage de bibelots qu'un passant aimerait bien
y ajouter. Un festival de musique québécoise se déroulant en Europe pourrait
certes être considéré comme une vitrine internationale de notre identité
musicale. Mais, il faut comprendre les limites et les effets
malfaisants d'une telle « ghettoïsation ».
Un festival n'est pas le fruit d'une action
consultative diluée. Cette façon de faire a réussi, il y a peu de temps, à
détruire les fondements d'un nouveau festival de musique contemporaine à
Toronto, qui s'est terminé dans la zizanie. En tant que participant et
observateur de MNM-2005, j'ai trouvé qu'il y avait trop d'éléments de nature
locale dans la vitrine. De plus, je considère que la vision artistique
Boudreau–Bouliane est tout le contraire de ce que M. Bertrand voudrait bien en
faire : elle était dangereusement trop large !
Imaginer trouver notre identité par la simple action
d'un reflet dans un miroir tient d'une logique « enfantine ». Mais faire surgir
de notre musique des caractéristiques identitaires veut dire rester
attentivement à l'écoute de ce qui se passe ailleurs en créant l'émulation et
le dépassement chez nous.
John Rea
Compositeur
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