Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 10, No. 6

Mon été musical

Par Kyle Irving-Moroz / 16 mars 2005

English Version...


J'avais huit ans quand mes parents m'ont demandé quel instrument je voulais apprendre à jouer.

- La cornemuse !

Papa et maman eurent le triste devoir de m'informer que FACE, l'école des beaux-arts que je fréquentais, n'offrait pas de cours de cornemuse (ce dont les voisins sont, encore aujourd'hui, profondément reconnaissants). Quant aux autres instruments qu'on y enseignait, aucun à mes yeux n'avait autant de prestige que la cornemuse.

La chance voulut que, cet été-là, maman et moi participions au camp musical des Musiciens amateurs du Canada (CAMMAC). C'est là que je découvris qu'il me serait quand même possible de trouver une place dans le monde musical.

Mon séjour au camp changea ma vie. Tous les campeurs étaient de bonne humeur du matin jusqu'au soir. Les professeurs, excellents musiciens, nous traitaient en amis. Tous se souciaient de nous, jusqu'aux directeurs. Un soir, ils eurent même la délicatesse de nous demander, par sondage, si nous préférions boire de l'eau du lac filtrée ou non. C'est l'eau filtrée qui l'emporta.

Le point tournant de cet été-là fut, pour moi, le récital de violoncelle présenté par une de mes copines. J'étais fasciné par la sonorité profonde et chaleureuse de son instrument, une sonorité qui me faisait penser au rire d'un grand-père surpris à distribuer des biscuits à ses petits-enfants juste avant le souper. Dès ce jour, tous les autres instruments furent exclus de mes affections. Les vents me donnaient mal à la tête, le violon me rendait plus malade encore et l'alto... y a-t-il quelque chose de plus anonyme que l'alto ? J'aimais le violoncelle, point à la ligne.

À l'école on me donna un violoncelle demi qui fis mon bonheur et, au bout de quelques mois, je commençai à prendre des leçons particulières. Au début, je n'en tirai que d'affreux soupirs gutturaux mais cela ne diminuait en rien mon enthousiasme. Au bout de quelque temps, m'étant développé suffisamment sur le plan musical et physique, je fus prêt à passer au violoncelle trois quarts. Le son de cette nouvelle créature me ravissait au point où, une fois terminés tous mes devoirs de musique, je continuais à jouer... mes propres improvisations.

Un jour, deux ans plus tard, une femme m'accoste à l'école avec une partition. Elle veut savoir si je connais un violoncelliste capable de la jouer. Ayant jeté un coup d'œil à la musique, j'annonce que je joue moi-même du violoncelle et que je suis prêt à m'y attaquer. Bientôt je me retrouve non pas dans un, mais dans deux orchestres, enterré sous le travail. Le premier était un petit ensemble de chambre, l'autre, l'orchestre symphonique de 50 musiciens de l'école. La femme qui m'avait arrêté dans le couloir n'était nulle autre que Theodora Stathopoulos, qui enseignait à l'école et dirigeait les deux orchestres.

Dès lors, les défis s'accumulaient. Le répertoire de musique de chambre était à peu près de mon niveau, mais celui du grand orchestre dépassait de loin mes moyens. À la première répétition, je m'en souviens encore, je voyais passer les notes à une vitesse qu'il me semblait que je ne pourrais jamais atteindre. Mais ce qui paraît impossible un jour ne le demeure pas toujours, n'est-ce pas ? Au début, devant de nouvelles partitions, je me contentais de jouer quelques notes par-ci par-là. Mais avec le temps, le travail, et beaucoup, beaucoup d'aide, je finis par les maîtriser.

Où cette première expérience de camp musical m'a-t-elle mené ? Eh bien, je termine actuellement ma onzième et dernière année à l'école FACE, j'étudie mon instrument auprès de Gary Russell et je fais toujours partie des deux orchestres. Si je le peux, je vais consacrer ma vie à la musique, pour explorer en particulier la musique ancienne. Je jouerai peut-être de la viole de gambe un jour, qui sait ? Pour l'instant, je sais que je chérirai toujours mes souvenirs d'un camp musical qui a changé le cours de mon existence. Si ce n'était de CAMMAC, j'en serais encore à vouloir apprendre la cornemuse.

[traduit par Michelle Gaudreau]


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002