Musique numérique, et nouvelles technologies Par Gaétan Martel
/ 15 février 2005
« Aujourd'hui on peut faire de la musique avec des
ordinateurs, mais l'ordinateur a toujours existé dans la tête des compositeurs
[...] » Milan Kundera
Depuis
une vingtaine d'années, je m'intéresse en parallèle à la musique et à
l'ordinateur. Les deux font bon ménage depuis leur évolution commune amorcée
dans les années cinquante. L'ordinateur, au fil des ans, est devenu analyste,
archiviste, et même « créateur » ou interprète à ses heures. Il est utilisé par
les compositeurs, les musiciens, les enseignants, les musicologues, les
ingénieurs du son ou les dilettantes.
Cette présence technologique se manifeste dans nos
chaînes stéréophoniques, nos lecteurs portatifs, les logiciels de composition
musicale ou de notation, sur Internet, et dans une bonne portion de notre
environnement sonore. Dans cette chronique, nous parlerons de ces nouveaux
outils numériques qui ont bouleversé notre approche face à l'art que l'on a
déjà défini comme la « mathématique des sons ».
Commençons par un problème courant des mélomanes,
audiophiles et autres amoureux de la musique : comment transférer une
collection analogique vers un support numérique au moyen d'un ordinateur
personnel ?
Du clavier instrumental au clavier de
l'ordinateur
À la fin de l'an dernier, Yamaha annonçait
l'acquisition de la filiale de logiciels audio de Pinnacle. Cette entreprise,
Steinberg, est renommée pour Cubasis, un produit polyvalent qui fait
office de studio numérique personnel. Mais le plus connu du grand public est
sans doute Clean, qui permet le transfert des données stockées sur un
disque ou une cassette vers un support numérique (DC, fichier MP3, etc.). Ce
logiciel offre également des outils de « dépoussiérage » de nos vétustes
cassettes et vinyles.1
Suivez le sillon
Vous pensiez que vos bons vieux microsillons ne
servaient plus qu'à faire du scratch ? Détrompez-vous. Clean (pour
Windows 98 et plus récent) est proposé en deux modes : une version standard et
une autre qui a pour nom « Plus ». Cette dernière comprend un pré-amplificateur
en plus du logiciel. Vendue une centaine de dollars, elle est de loin
préférable. Le « pré-amp » vous donne une certaine autonomie dans vos
opérations d'enregistrement : vous n'avez pas à placer votre ordinateur tout
près de votre chaîne stéréophonique ; déplacez plutôt votre tourne-disque en le
branchant à ce préamplificateur, connecté à la carte son et au port USB de
votre ordinateur (tous les câbles sont fournis). Il amplifie le signal trop
faible qui provient de la platine disque.
Même si l'interface du produit n'est qu'en anglais
(une version française est disponible en Europe), on peut s'y retrouver
facilement avec l'excellent manuel bilingue du cd-rom. On se doit de le
consulter, car il regorge d'informations qu'on ne trouve pas dans son
correspondant imprimé.
Une séance-type d'enregistrement
Après le lancement du logiciel, on voit apparaître un
écran divisé en trois : à gauche une liste des pistes, à droite une série
d'onglets et en bas un affichage de la forme d'onde enregistrée. C'est là que
vous pourrez modifier les débuts et fins des pièces, marquer les pistes et
créer des fondus enchaînés (fade in/out). Les quatre onglets de la
partie droite se chargent du traitement comme tel de l'audio : restauration,
optimisation, mastering, surround (ambiophonie). Dans la même
zone, on notera également un égaliseur et la fonction « AutoClean », qui permet
d'automatiser l'ajustement des trois principales fonctions de restauration
(DeClicker, DeCrackler et DeNoiser).
Quand
vient le moment de l'enregistrement, une fenêtre spéciale affiche deux vumètres
pour l'entrée des canaux gauche et droit et deux curseurs pour l'atténuation de
la source (si le signal est trop puissant). La section d'optimisation comprend
une foule d'effets dont un traitement du signal pour l'écoute dans une voiture
et accepte les plug-ins VST (Virtual Studio Technology), un
standard conçu par Steinberg. Pour sa part, la section surround permet
de déterminer la spatialisation du son en fonction de la disposition de ses
haut-parleurs dans la salle d'écoute.
Pour mes tests, j'ai sorti de ma collection trois
vinyles des années 70 afin d'entendre Clean à l'œuvre. Le premier, du
groupe québécois Maneige, évoluant dans ce que l'on appelait le jazz-rock
progressif. Un deuxième, où Pierre Boulez dirige l'orchestre symphonique de
Cleveland jouant le Sacre du Printemps de Stravinski. Le troisième est
celui de Jessye Norman qui fit sensation avec son interprétation des Frauenliebe
–Lieben et des Dichterliebe de Schumann.
Après la gravure des trois DC, il ne me restait plus
qu'à comparer : platine disque versus lecteur compact. Je passe de l'un
à l'autre. Premier constat : grâce au « pré-amp », la dynamique (ou rapport
signal/bruit) est exceptionnelle. Ce qui suit est tout aussi convaincant. La
rondeur de la contrebasse de Léonard, la légèreté de la flûte de Bergeron et la
créativité de la batterie de Schetagne sont bien là. La précision et les
dynamiques spectaculaires du Cleveland dans « L'adoration de la terre » sont
bien rendues. La beauté de la voix et la justesse des phrasés et de
l'articulation de Norman sont parfaitement transposées lorsqu'on les compare
avec le microsillon, qui n'était pourtant pas dans le meilleur état. C'est ici
où la fonction AutoClean s'est avérée utile avec une réduction substantielle
des « clics » et autres bruits parasites.
Précautions d'usage
Rappelons l'évidence : la source doit être de la
meilleure qualité possible car Clean ne peut faire de miracle. C'est
pourquoi, en préalable à tout enregistrement, on nettoiera à fond les vinyles
(et l'aiguille ou les têtes du magnétophone, etc.).
Enfin, trois points importants à considérer : (a) la
qualité de la carte son de votre ordinateur sera un facteur déterminant dans
l'obtention de bons résultats ; (b) le traitement nécessité pour la
restauration est exigeant pour le processeur; cependant, tout appareil de deux
ans et moins fournira un rendement plus qu'adéquat ; (c) l'espace disque se
réduit au rythme de 10 Mo par minute d'audio, ce qui est minime comparé à la
vidéo (dont nous traiterons ultérieurement). Clean n'imposant aucune
limite de temps à l'enregistrement, on peut transférer les données sur des
supports plus spacieux que les cd-rom, comme les DAT ou les DVD. Une fois
terminé la conversion numérique de tous vos vieux vinyles et cassettes, vous
pourrez toujours vous en départir, en les donnant à des amis, en les vendant au
magasin d'occasion du coin... ou en les offrant à votre neveu qui s'amusera au scratch...
Questions ? Commentaires ?
gaetanm@cam.org
1. Plusieurs produits permettent la restauration, puis
le transfert d'un support analogique vers un support numérique. D'autres noms
très connus : Adobe Audition (anciennement Cool Edit), Audacity,
Dart, Terratec (avec « pré-amp »), etc.
Hyperliens
Description en français de Clean Plus (site
européen de la version 5) :
http://www.pinnaclesys.com/ProductPage_n.asp?Product_ID=1478&Langue_ID=1
Très bonne FAQ (foire aux questions) sur la gravure de
CD :
http://www.lagravuredecd.com/cdrfaq3.php#[3-12]
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