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La Scena Musicale - Vol. 10, No. 2

35 ans pour Musica Camerata

Par Réjean Beaucage / 4 octobre 2004


Luis Grinhauz est originaire d'Entre Rios, en Argentine, où il a été diplômé du Conservatoire de Buenos Aires avant de poursuivre des études avec Jospeh Gingold, à l'Université de l'Indiana, qui lui octroyait en 1969 le Performer's Diploma. L'année suivante allait être importante dans la vie du violoniste : il s'établissait à Montréal, rejoignait l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM), où il est toujours assistant violon solo, et était invité à se joindre à l'ensemble Musica Camerata Montréal, dont il est aujourd'hui le directeur artistique.

« Au moment où l'on m'a approché pour me demander si je voulais me joindre à l'ensemble, explique-t-il, il donnait déjà des concerts privés chez le mélomane et mécène Hans Nemenoff. Il avait une très belle maison à Montréal et nous faisions de la musique de chambre chez lui, pour ses amis et invités. Il y avait finalement tellement de monde qui voulait assister à ces concerts que M. Nemenoff a suggéré de les donner dans une véritable salle de concert. Ce premier concert public a été donné le 3 mars 1971 à la salle de L'Ermitage. » Les membres fondateurs de l'ensemble sont Hans Nemenoff, son épouse Imy Nemenoff, l'altiste Robert Verebes, le pianiste Charles Reiner et le clarinettiste Larry Combs.

« Vous savez, poursuit Luis Grinhauz, jouer dans un grand orchestre, pour les instruments à cordes, c'est un travail un peu anonyme. On joue en section, contrairement aux vents, qui ont souvent des interventions en solo. Alors, pour trouver une voix personnelle, la seule façon de faire, c'est la musique de chambre, et à ce moment-là, il n'y avait pas beaucoup de possibilités pour jouer de la musique de chambre. Il y avait le Ladies' Morning Musical Club, ou Pro Musica, mais on y invitait surout des ensembles européens, alors avec Musica Camerata, nous avions notre propre ensemble de musique de chambre. Aujourd'hui, les choses ont bien changé de ce côté-là et on trouve une grande quantité d'ensembles de musique de chambre, baroque, classique ou contemporaine, mais nous avons été parmi les pionniers. Je ne dirai pas que nous jouons gratuitement, mais il est certain que nous le faisons pour le plaisir. »

Les programmes de l'ensemble comptent fréquemment des œuvres canadiennes, et même des créations, mais aussi des œuvres de compositeurs peu souvent joués, voire méconnus. « Lorsque j'ai eu la responsabilité des programmes de l'ensemble, poursuit le violoniste, je me suis dit qu'il serait intéressant de jouer des compositeurs que l'on ne connaît pas. Je serais d'accord pour dire qu'il y a des compositeurs inconnus qui devraient le rester, mais il y en a tout de même beaucoup qui valent la peine d'être connus. Alors, bien sûr, nous faisons un tri. Nous avons été les premiers ici à jouer la musique de chambre de Piazzolla ou d'autres compositeurs argentins, comme Ginastera, à cause de mes racines, bien sûr, mais nous avons fait découvrir aussi Amy Beach, nous avons donné la première mondiale du Quatuor en mi majeur de Saint-Saëns, dont la musicologue montréalaise Sabina Ratner avait découvert le manuscrit, nous avons aussi créé Incantations V de Walter Boudreau, et bien d'autres œuvres de compositeurs d'ici. »

L'ensemble compte-il encore aujourd'hui sur les mêmes musiciens qu'à ses débuts ? « Parmi les membres originaux encore présents, explique Luis Grinhauz, il y a la pianiste Berta Rosenohl (mon épouse), le clarinettiste Michael Dumouchel et moi. Parmi nos anciens membres, il y en a qui sont aujourd'hui à l'Orchestre de Chicago, au Philharmonique de Berlin, à Vienne, Pittsburg, Boston... D'autres sont à la retraite ou, malheureusement, décédés. Nous avons donc au fil du temps invité des collègues à se joindre à nous. Depuis deux ans, nous donnons la chance à la relève de venir faire avec nous l'expérience du travail dans un ensemble professionnel.

Luis Grinhauz enseigne la musique de chambre à l'Université McGill et à l'Académie de musique du Centre d'arts Orford, aussi est-il bien placé pour repérer les étudiants talentueux et prometteurs. « Il y a eu Hélène Marcil, Angèle Dubeau, Marc-André Gauthier, etc. Il y a quelques années, j'avais invité une autre de mes élèves à se joindre à nous, il s'agissait de Chantal Juillet. » Voilà qui donne une idée du niveau de l'ensemble ! Voilà, aussi, qui nous rapproche de l'OSM, où Chantal Juillet jouera en novembre... Huit des musiciens associés à Musica Camerata sont aussi membres de l'OSM. « J'ai bien hâte d'accueillir notre nouveau patron, commente M. Grinhauz, en parlant de Kent Nagano ; nous avons fait deux beaux concerts avec lui l'année dernière. Je peux dire que nous avons été un peu surpris qu'il accepte, parce qu'il est très en demande. Mais il a dit qu'il avait été séduit par le son de l'orchestre, alors, évidemment, ça fait plaisir ! »

Et que nous réserve cette saison du 35e anniversaire ? Pour cette saison spéciale, l'ensemble a demandé à son public de lui faire part des œuvres qu'il voudrait entendre. « Évidemment, puisqu'il s'agit cette fois de "demandes spéciales", les œuvres que nous interpréterons sont moins obscures qu'à d'autres occasions, mais il y aura tout de même cette saison encore quatre œuvres qui seront jouées ici pour la première fois. »

Les deux premiers concerts de la saison, intitulés Chefs-d'œuvre favoris, I et II, sont consacrés à Brahms et Dvorrak. Le 2 octobre, la saison sera lancée par Berta Rosenohl (piano), Jonathan Crow et Luis Grinhauz (violons), Carla Antoun et Chloé Dominguez (violoncelles), Marilou Robitaille-Hains et Chantale Boivin (altos). On pourra entendre le Quintette pour piano et cordes en la majeur, op. 81, de Dvorrak, et le Sextuor pour cordes en si bémol majeur, op. 18, de Brahms. Le 27 novembre le second programme d'airs favoris offrira le Quatuor pour piano et cordes en mi bémol, op. 87, de Dvorak, et le Quintette pour clarinette et cordes en si mineur, op. 115, de Brahms. La suite de la saison proposera des chefs-d'œuvre français (Chausson, Fauré), des musiques scandinaves (Grieg, Gade, Englund), des bijoux italiens (Boccherini, Rota, Pizzetti), etc.

Les concerts de Musica Camerata sont présentés les samedis soirs à compter de 20 h à la salle Redpath de l'Université McGill. Info : (514) 489-8713


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