rédactrice en chef

Dans cette ère de modernité où tout et tous vont toujours plus vite, victimes d’une frénésie souvent destructrice, un titre comme celui-ci tient presque de l’anachronisme. Et pourtant… Les traditions sont souvent les bornes qui nous permettent de mesurer nos accomplissements, professionnels, familiaux ou personnels.

La musique classique semble par dé nition un art traditionnel.: on joue souvent (trop souvent.?) des œuvres de compositeurs morts depuis belle lurette. D’autres traditions viennent également rythmer l’apprentissage d’un instrument. Ma jeunesse a été, par exemple, ponctuée par les concerts gratuits du vendredi soir présentés par Radio-Canada à la Salle Claude-Champagne. Toutes les semaines, je me juchais au balcon, en compagnie de mes parents, avide de découvrir de nouveaux répertoires et de nouveaux artistes, la tête pleine de notes et d’émotions. Le samedi matin, je ne me prélassais jamais à la maison pour me gaver de dessins animés mais remontais plutôt « en haut de la côte », cette fois pour assister aux cours de théorie. Je me souviens de plusieurs débats passionnés sur l’histoire de la musique et, surtout, du plaisir que nous éprouvions à échanger, pendant la pause (et parfois pendant les cours, grâce à un astucieux système de courrier, mais chut.!). Un autre souvenir fait surface, les séances d’enregistrement de mon père avant le départ pour les concours. À cette époque où la caméra vidéo n’existait pas encore, mon père me demandait toujours d’interpréter mes pièces « pour la postérité ». Avant de partir, un rituel savait endormir les peurs engendrées par le stress.: mes parents me répétaient que, quoi qu’il arrive, ils m’aimeraient toujours autant après le concert. Des moments qu’on ne peut oublier.!

Maintenant, avec mes élèves, je poursuis les traditions. Certaines semblent plus éprouvantes, le concert de n d’année par exemple (même si les élèves ont leur revanche parce que, par tradition aussi, je joue toujours une pièce à la n du concert, histoire de « sympathiser » avec leur énervement.!). D’autres restent beaucoup plus ludiques comme le party de Noël, où tout le monde, des plus petits au plus grands, jouent des solos et des duos de Noël et s’empiffrent de toutes les nourritures interdites habituellement par les parents. J’ai eu le malheur une année de ne pas proposer de telle fête, pensant que ce ne dérangerait personne.! Haro sur moi.! J’en ai entendu parlé jusqu’à Pâques et je me suis domptée.! Cette année, deux semaines avant le concert, les élèves ont commencé à s’informer de la pièce que j’allais interpréter au concert tandis que quelques-unes des anciennes insistaient fortement sur la nécessité de refaire ma fameuse recette de pop-corn sucré… Il y a des traditions comme ça, qui restent, qui se transforment et qui marqueront les souvenirs de la prochaine génération… Et moi qui levais le nez sur les traditions.!