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LES CONCOURS…

 

Depuis le milieu du vingtième siècle (pour le meilleur ou pour le pire????), les concours sont devenus un élément quasi incontournable dans le parcours de tout musicien professionnel. Ce qui s'explique sans doute par de nombreux facteurs: augmentation du nombre de musiciens professionnels, importance des média, nécessité de se distinguer dans un marché restreint et hautement concurrentiel… Il est à peu près certain que dans toute discipline musicale, l'artiste en devenir sera appelé à concourir, que ce soit pour un poste dans un orchestre, un poste d'enseignement, ou encore pour obtenir un contrat, un concert…

Bien comprise et bien vécue, l'expérience d'un concours peut s'avérer un outil précieux dans l'évolution musicale d'un artiste. Voyons comment une approche saine et réaliste d'un concours peut apporter de nombreux bienfaits. Tout est une question de préparation physique et psychologique, de jugement, et d'équilibre.

 

Règle numéro un: c'est un "jeu" dont on accepte d'avance les règles,
les injustices et les résultats.

Rien n'est jamais parfait. Il faudra éviter de blâmer les juges, la salle, le piano, l'heure, l'organisation, le banc, l'acoustique, l'éclairage, (et j'en passe!) pour justifier un résultat insatisfaisant…Et tous les concurrents ne sont-ils pas soumis aux mêmes conditions?

 

Règle numéro deux: relativiser les enjeux d'un concours: .

Il faut bien comprendre que c'est un événement ponctuel, subjectif et aléatoire. Il faut également savoir que le concours n'est pas le seul chemin possible vers la gloire et la célébrité (pour ceux que ça intéresse!) De plus en plus de jeunes artistes talentueux réussissent à faire carrière sans avoir fait le parcours "auto-flagellatoire"(…) des concours…À titre d'exemple: la jeune violoniste américaine Hilary Hahn, le jeune pianiste russe Constantin Lifschitz, qui ont tous deux à peine vingt ans…Voilà deux exemples de personnalités musicales hors du commun, qui n'ont pas vécu l'enfer des concours. Rare mais possible.

Règle numéro trois: être prêt, prêt, prêt(e)

La préparation est certainement la condition sine qua non d'une participation réussie. C'est pourquoi il faut être prêt plusieurs semaines (ou mois!) à l'avance, avoir joué tout le programme en récital, de préférence plusieurs fois! Un participant bien préparé aura davantage confiance, sera plus solide et aura su créer des conditions propices à un sentiment d'accomplissement.. Par contre, un manque de préparation amènera à coup sûr des dérapages, des accrocs et des trous de mémoire, en général peu compatibles avec une expérience positive, et générant plutôt pleurs et grincements de dents.

La préparation psychologique est également primordiale. Une attitude saine

envers les concours étant maintenant acquise (grâce à la mise en application rigoureuse des règles 1 et 2 du présent article), il faut maintenant s'assurer de la mise en œuvre des meilleures conditions de vie avant l'événement: temps suffisant pour pratiquer, vie équilibrée, sommeil suffisant, exercice physique, horaire de travail allégé (sauf à l'instrument!)… De plus, ce n'est peut-être pas le moment indiqué pour des grandes remises en question existentielles! (Notez que l'après-concours aura cet effet-là de toute façon.)

Et comme il y a toujours des imprévus et des surprises de dernière minute, mieux vaut être prêt à tout!

Règle numéro quatre: les juges ne sont pas des ogres

La façon dont le participant perçoit les juges constitue également un élément-clé dans le succès de l'expérience. (Aux professeurs: cela s'enseigne!). Les résultats ne constituent pas un jugement définitif, et les commentaires des juges doivent servir avant tout à s'améliorer et travailler ses points faibles.

Il arrive toutefois que certains concurrents reçoivent des commentaires qu'ils jugeront "bêtes et méchants". Dans un tel cas, il ne faut surtout pas hésiter à rencontrer le (ou les ) juge(s) concerné(s). Il arrive parfois qu'un juge doive écrire rapidement, et ne peut exprimer sa pensée aussi complètement (ou diplomatiquement!) qu'il le souhaiterait. Les juges font souvent de longues journées, peuvent être fatigués…Et jugent toujours à partir de leurs perceptions, leur système de valeurs, leurs goûts personnels…Leur rôle est très difficile: ils évaluent un "produit" non quantifiable…

Dans le cas de concours destinés aux jeunes, qui ont une mission avant tout formative, les juges devraient toujours avoir la préoccupation de formuler leurs commentaires de façon constructive. Quant aux responsables des concours, ils ont la responsabilité de sélectionner le jury avec soin, et de leur préciser les objectifs et la mission du concours, et idéalement leur fournir une grille d'évaluation claire et complète. (Oui, c'est possible!)

Règle numéro cinq: le professeur est directement impliqué dans l'événement

Le rôle du professeur est primordial. Il a le devoir de choisir un répertoire adéquat (les pièces doivent constituer un défi raisonnable, et bien correspondre à la personnalité du participant). Le professeur a aussi la responsabilité ultime de décider de la pertinence ou non de la participation. Il est le premier responsable de son élève…Il vaut mieux annuler une participation que d'avoir à subir une mauvaise expérience! Les miracles n'existent pas! Si le participant n'est pas prêt, l'expérience risque d'avoir des effets néfastes sur la motivation et l'intérêt futur!

Le professeur doit également connaître les niveaux et les particularités des différents concours, nationaux et internationaux. Cela est essentiel pour bien guider les jeunes musiciens, dans un dédale où ils risquent de s'y perdre! Chaque élève est un cas particulier, et le choix des concours doit se faire en tenant compte de sa personnalité, ses objectifs et ses capacités.

Souvenez-vous que….

Un concours ne mesure que ce qui est mesurable. On peut mesurer votre habileté technique, le nombre de vos fausses notes, votre résistance au stress, la solidité de votre mémoire et de vos nerfs…On ne peut pas mesurer votre "musicalité", votre "sensibilité"…On ne peut que commenter ce qu'on en perçoit à un moment XYZ de votre cheminement artistique.

Mais surtout…

Restez vous-même! N'essayez pas de plaire au jury, ne faites aucun compromis musical, imposez vos convictions artistiques…Soyez les artisans d'une nouvelle génération de musiciens qui parlent, qui osent, et qui ne craignent ni l'erreur ni la fausse note…

De la musique avant toute chose!!!

Michel Jean Fournier
Professeur agrégé
École de Musique
Université de Sherbrooke

Ouvrages consultés:

Pâris, Alain: Dictionnaire des interprètes et de l'interprétation musicale, Robert Laffont S.A. Paris 1989
Bastien, James W.: How to Teach Piano Successfully, third edition, Neil A. Kjos Music Company, San Diego 1988