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L'ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE AUX ADOLESCENTS

UN DÉFI À RELEVER!

L'adolescence est une période de choix et de décisions qui vont influencer la vie adulte. Les adolescents d'aujourd'hui ont souvent un horaire chargé auquel s'ajoutent des périodes de détente en famille et avec les amis.  C'est également une période de découverte sur le plan émotionel, marquée par un désir croissant d'indépendance. Enfin, pour nos jeunes musiciens, s'ajoute la responsabilité de leur art.

Être jeune musicien est un grand privilège. Compte tenu de l'investissement en termes de temps (leçons, pratique, concerts, concours) et d'argent, les parents aimeraient bien que leurs enfants s'appliquent consciencieusement.  Les professeurs le savent bien aussi, car leur persévérance leur a permis d'entamer cette carrière.  Mais par dessus tout, nous souhaitons tous que nos élèves adolescents AIMENT la musique, qu'ils persévèrent parce que c'est un PLAISIR, et non une corvée.
Mais que faire lorsque notre élève commence à manquer d'intérêt ou ne pratique pas?  Quelle est notre réaction quand il critique nos méthodes?  Comment réagir face à une attitude négative ou peu coopérative?
En étudiant les grands compositeurs russes avec ma classe d'élèves de 9e, nous avons découvert que certains d'entre eux sont passés par des périodes de crise assez similaires à celles que peuvent vivre nos jeunes aujourd'hui. Voici quelques exemples:

(1) Sergei Rachmaninoff était issu d'une famille dysfonctionelle et a vu ses parents se séparer quand il avait neuf ans.  Cet évènement a bouleversé sa vie. Apparemment, il était considéré comme étant un "enfant à problème" bien que ses dons musicaux fussent bien reconnus.  Étudiant au Conservatoire de St. Pétersbourg, il ne prenait pas du tout ses cours au sérieux et échoua à tous ses examens.  Pourtant, sa famille ne l'a pas abandonné, et Rachmaninoff fut envoyé à Moscou pour continuer ses études avec Nikolai Zvereff, l'un des meilleurs professeurs Russes de l'époque.  Pendant quatre ans, il reçut l'attention individuelle et la discipline qui lui permirent de changer sa perspective et d'affermir son estime de soi.  Bien que Rachmaninoff démontra plus tard un certain manque de confiance en soi (suite à des critiques négatives), il ne fait aucun doute que la persévérance et l'intérêt accordés par sa famille et ses professeurs ont certainement beaucoup contribués à son développement musical.

(2) Sergei Prokofiev nous présente une autre situation.  Issu d'une famille cultivée et relativement à l'aise, il a étudié le piano avec sa mère puis avec Reinhold Glière.  Extrêmement doué, il composa dès l'âge de cinq ans.  Inscrit au Conservatoire de St. Pétersbourg, il était beaucoup plus jeune que les autres étudiants, et par conséquent avait peu d'amis parmi eux.  S'ajoutait à cette situation une réputation d'élève indiscipliné au caractère arrogant.  Enfin, il croyait en savoir plus long sur la musique que ses professeurs.  Il se confrontait à eux, croyant que leurs méthodes lui empêchaient de dévélopper sa créativité et apportait certaines "améliorations" aux oeuvres de Mozart et de Schubert.  C'est seulement sous peine de renvoi que Prokofiev a accepté de se soumettre aux méthodes strictes du conservatoire.  Il a finalement accepté les bienfaits de cette discipline quand il a vu élargir ses habilités pianistiques.  Bien que Prokofiev ait conservé son irrévérence innée, il devint meilleur musicien!

Ces expériences nous semblent familières ?  Avons-nous des élèves qui se plaignent et qui argumentent quant à la nécessité de pratiquer les gammes et les exercices de technique ? des élèves qui font preuve d'insouciance et d'indifférence quant à nos conseils et suggestions de pratique ?  En tant que professeurs, comment réagissons-nous quand notre autorité est remise en question ?  Peut-être avons-nous un élève qui est distrait par des conflits familiaux ou avec ses amis,ou bien un jeune qui passe par une période de crise personnelle ?  Le fait demeure que nous sommes professeurs de musique et non psychologues, mais le discernement, la patience et l'intérêt personnel que nous accordons à nos jeunes musiciens peuvent les aider à perséverer.

À travers mes rechereches sur l'Internet, j'ai trouvé un excellent article dans lequel on retrouve des idées pratiques pour motiver un adolescent qui a envie d'arrêter la musique, même après plusieurs années de cours. Ces suggestions suscitent les opinions de l'élève, de façon à établir une bonne communication entre lui et son professeur.

(1)  Lui demander exactement ce qu'il n'aime pas : le cours, la pratique, les concours, les examens ?  Parfois c'est simplement le fait d'être obligé d'y mettre du temps lorsque ses amis font des activités qui ne demandent pas d'effort et de discipline.  Peut-être aussi aimerait-il davantage de flexibilité quant à son choix de pièces et la quantité de technique à travailler.  C'est possible qu'il se sente obligé de participer aux concours quand il préfèrerait ne pas en faire.
Il faudrait discuter avec l'élève (et possiblement avec ses parents) afin d'établir des objectifs réalisables et productifs.

(2)  Peut-être est-ce un conflit de personnalité avec le professeur.  Pas une question de compétence, bien sûr, mais simplement une question de chimie ou d'approche.  Le but demeurant que l'élève continue la musique, parfois un changement de professeur devient la solution.

(3)  Lui demander s'il voudrait changer d'instrument (ou entreprendre un instrument second).  Tout l'entraînement au piano sera porté à bon usage.  Et si l'élève fait de la musique au secondaire, dans l'orchestre par exemple, il sera fort apprécié du prof de musique et pourra se faire valoir auprès des autres étudiants.

(4)  Encourager l'élève à jouer de la musique populaire, à s'impliquer dans des choeurs, à commencer un groupe musical entre amis.  Ces activités lui aideront à voir que la musique est un atout pratique.  Aussi, peut-être reconnaîtra-t-il des domaines dans lequel il devra se perfectionner, par exemple en solfège, lecture à vue ou théorie.

 (5)  Lui demander avec discrétion s'il peut pratiquer en paix.  Peut-être se fait-il déranger constamment par un petite soeur...ou se fait-il interrompre souvent par un parent qui le corrige? (Chez moi, quand mes enfants pratiquent, il ne faut pas que je les corrige trop souvent...il me disent de les laisser pratiquer en paix!  Alors je sais qu'en tant que parent musicien, même quand on entend quelques fausses notes, il vaut mieux de ne pas trop donner de suggestions!)

(6) Finalement, une autre possibilité est que son piano soit en mauvais état.  C'est décourageant de jouer sur un instrument qui a besoin d'être accordé, auquel il manque des notes ou dont les pédales ne fonctionnent pas bien.  Il faudrait en discuter avec les parents et suggérer un bon technicien.

Si on peut aider les élèves à persévérer jusqu'à l'âge de 15/16 ans, ils réaliseront par eux-mêmes combien il est peu sage d'abandonner la musique après tant d'années d'efforts.  Et même s'ils n'en font pas carrière, ils se donneront la peine de terminer leurs diplômes supérieurs.  Adultes, ils remercieront les parents et professeurs qui les auront aidés à persévérer, la musique étant source de plaisir et de détente, un héritage à passer à leurs propres enfants.

Gayle Colebrook