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W. A. Mozart (1756-1791) Les archives de Soeur Lucille Brassard Je vous l’avoue, j’ai un penchant pour ce grand compositeur qui est la musique même. Dans son oeuvre on retrouve tout: l’expression, l’imagination, la poésie, le drame, la tragédie, tout cela obtenu par les moyens les plus simples. De plus, Mozart, comme tous les grands créateurs, est un autobiographe. Le coeur de Mozart s’est exprimé à travers toute sa musique. N.D.L.R. Dans le dernier numéro de La Muse Affiliée, Sr Lucille nous traçait un portrait du compositeur. Elle s’attarde cette fois-ci sur des oeuvres ciblées de Mozart. (suite au prochain numéro) Sonate en do majeur K. 309 D ’après une lettre écrite à son père, on peut affirmer que Mozart a improvisé cette sonate en octobre 1777. Quelques jours après, il a rédigé les deux mouvements extérieurs, car il conservait en sa mémoire les oeuvres qu’il ne s’était pas encore donné la peine d’écrire. Quant à l’andante, il a été composé en novembre de la même année. Cette sonate ne ressemble plus aux oeuvres de Salzbourg, mais plutôt au style de Mozart à Mannheim. Les phrases sont plus courtes, plus précises et plus expressives, le début des mouvements plus solennel. L’accompagnement est beaucoup plus travaillé et procède par une série de modulations incessantes. Souvent, le chant est con é à la main gauche et une importance nouvelle est donnée aux basses. À Salzbourg, la sonate était toujours une oeuvre toute intime et d’exécution facile.; à Mannheim, on sent qu’elle devient pour Mozart très importante, une oeuvre où, comme dans un concerto, la virtuosité doit avoir sa part, et surtout une oeuvre foncièrement instrumentale, utilisant à des effets propres les ressources du piano-forte. Cette sonate est réellement la première des grandes sonates de Mozart, un acheminement vers celles que ses lettres désigneront comme appartenant à la catégorie des « sonates difficiles ». L es premières mesures de la sonate en Do sont un premier hommage rendu par Mozart à l’univers « manhunmiste ». Après une réponse contrastée, l’unisson se reproduit, accompagné de la dite réponse. Le développement de 35 mesures met en oeuvre le premier sujet, et celui-ci donne lieu à 4 répétitions dont 3 dans les tonalités mineures. Les réponses se font, elles aussi, en mineur et avec quelle expression pathétique toute nouvelle. Il est évident que Mozart encore jeune est en contact avec un art infiniment plus poussé, plus creusé dans l’expression. Après la rentrée du thème, il le répète cette fois dans le ton relatif mineur, suivi cette fois d’une réponse que les modulations rendent plus pathétique. À la toute fin, une coda reproduit le début des thèmes. L’andante, un poco adagio, est une sorte de rondo varié, un lied innocent et gracieux. Le second sujet en Do a une toute autre envolée et montre un style plus sévère et sérieux. L’allegretto grazioso constitue le premier grand rondo écrit par Mozart pour piano seul. Il est incontestablement plus libre que les rondos précédents, ses intermèdes sont traités d’une manière plus imprévue, l’intermède central en fa donnant lieu à une suite expressive en ré mineur. Les refrains paraissent de nouveau, transformés par de nouvelles tonalités. Après une cadence pleine, le thème reparaît, chargé de gravité, pour s’éteindre piano dans le registre grave. Sonate en do majeur K. 330 Cette sonate composée à Paris est d’une richesse et d’expression admirables, et avec cela, d’un tour très français par le choix de ses idées. Le premier mouvement, allegro moderato, présente trois sujets distincts, mais assez reliés les uns aux autres et munis de leurs ritournelles. Le développement, pas très étendu, est d’une expression subtile et mélancolique. Il ne reprend en somme aucun des sujets constitutifs du premier mouvement mais se rejoint à lui d’une façon si parfaitement adéquate que l’on ne regrette pas l’absence du procédé classique. Le retour se fait d’une manière assez nouvelle, avec un soin particulier à renouveler l’agrément des motifs, par de petits changements et, chose remarquable et curieuse, le début du développement, avec ses intonations mineures, reparaît pour servir de conclusion à cet ensemble remarquable. L’andante cantabile nous vaut un chant merveilleux que l’interprète est, avant tout, obligé de chanter. Il y a ici deux chants très proches, l’un en fa majeur, l’autre en fa mineur. Pour nir, c’est un admirable retour du chant mineur un peu modi é et transposé en majeur. On retrouve dans cette pièce une coupe nouvelle chez Mozart. Le Finale a un thème en rondo qui est traité en morceau de sonate. Quelques mesures finales tiennent lieu de coda. Sonate en fa majeur K. 332 É crite à Paris en 1778, elle fait partie des six sonates difficiles. Elle est très étendue, d’une force et d’une grandeur étonnantes. Le Mozart qui nous apparaît rappelle celui des symphonies de 1774, en possession de moyens riches et nouveaux, un Mozart d’un métier et d’une expérience infiniment plus faste. L e rythme ternaire du premier allegro n’est pas d’apparence très française; le second sujet fait penser à une danse viennoise. L’extrême netteté des idées donne à cette sonate une qualité déjà toute classique. Seul, le magnifique finale, plus puissant, présente au contraire, une fantaisie variée et tellement riche que l’interprète ou l’auditeur peut se croire transporté dans une atmosphère déjà romantique. Avec l’allure puissante et passionnée d’une fantaisie, il a su s’adapter à la forme du morceau de sonate. L’allegro est bâti sur trois sujets distincts. dont les deux premiers ont des ritournelles modulées et frappantes par leurs accentuations, quasi-beethovéniennes. Le développement paraît issu du troisième sujet, mais donne lieu à une interprétation libre. La ritournelle du deuxième sujet reparaît avec des modulations nouvelles. Le retour demeure sensiblement pareil. L’adagio est composé de deux couplets juxtaposés, le second variant le premier. L’accompagnement ne consiste à peu près qu’en une basse d’Alberti. Le troisième mouvement, allegro assai, comporte trois sujets et suit le schéma de la forme sonate. Le troisième sujet en mineur est muni d’une longue et brillante ritournelle. Dans le développement, le premier sujet est agrémenté d’arpèges et donne lieu à une série de transpositions. Un nouveau thème, merveilleusement expressif, conduit avec une variation à une sorte de cadence libre qui ramène la réexposition. Il est évident que cette sonate offre des dons d’inspiration. Sonate en ré majeur K. 311 C ette sonate réalise un idéal tout salzbourgeois: aucune intention dramatique ne s’y cache, elle tient plutôt du divertissement gracieux et brillant. Le finale en rondo, très étendu, est riche et offre dans l’intermède central quelques difficultés d’exécution. Le mouvement central, andante con espressione, a l’allure d’une sérénade. L’allegro con spirito débute par une sorte d’entrée à l’italienne. Le second sujet d’allure chromatique donne lieu à une ritournelle avec croisements de mains qu’achève, piano, un dessin en sixtes dans le ton de la dominante. Ce court dessin deviendra le plus important facteur de tout le développement, donnant lieu à des dissonances assez rudes et à des chromatismes subits, particuliers à Mozart. Le retour complet en sol majeur de toute la ritournelle du second sujet, allongée d’un trait modulé en doubles croches. Le sujet initial reparaît en guise de conclusion. L’andante con espressione, très expressif, a un premier sujet qui se répète quatre fois si l’on tient compte des barres de reprise. C’est une sorte de rondo, muni de refrains, plutôt dans le cadre d’un thème varié étant donné que le sujet initial se trouve orné différemment à chacune des trois reprises. Le rondo nal, brillant et plein de verve, est peut-être le plus réussi de toute la sonate. Les intermèdes sont d’allure pensive et contrastent avec la joyeuse gaieté du thème. Sonate en la majeur K. 331 C ette sonate, fameuse entre toutes et dont le finale, orchestré ou non, a acquis une célébrité universelle, est née à Paris. Elle est la première sonate du genre: un andante varié remplace l’allegro initial, un menuet remplace l’andante et le rondo final, la célèbre marche turque, est le type absolu du rondeau français avec son mineur et son majeur, suivi d’un da capo. Mozart lui-même décrivait cette sonate en termes de « galanterie sonate ». Le menuet placé au milieu de la sonate suffirait, à lui seul, à attester une origine française. Le menuet est non pas rythmique, mais chantant, très libre. Quant au finale, il n’y a de « turc » que l’alternance rapide du majeur et du mineur. Dans le thème varié du premier mouvement, l’extrême pureté de la ligne nous semble être la qualité maîtresse. Il ne s’y écarte guère du thème, sauf dans la variation mineure, si expressive. Il est étonnant après l’adagio aux arabesques toujours chantantes de voir surgir le brillant allegro où s’ébauchent déjà quelques rythmes du fameux finale fringuant. Le grand menuet central a une étendue et une expression inégalées et ne peut, d’aucune façon, nous faire regretter le mouvement lent. Au point de vue de la forme, la célèbre marche turque est un exemple parfait du rondeau français. Son thème en la mineur a un refrain majeur. Le premier intermède est en fa# mineur et consiste en une simple variation de doubles croches. À la troisième apparition du refrain, celui-ci a des octaves brisées. La brillante coda termine le tout en majeur. Sonate K. 570 en Si bémol majeur Mozart parfois accède à une transparence et à une souplesse qui n’est pas un acquis nouveau, mais la révélation de ce que son art avait de plus intime et de plus spontané, presque dépouillé. La sonate K. 570 regroupe toutes ces qualités et devient, à mon sens, peut-être la plus pure des sonates et une des oeuvres les plus divines du maître: transparence et simplicité, aucun empâtement, aucune maigreur non plus. Les modulations les plus savantes sont présentées avec un naturel qui les rend imperceptibles. |